Et pour vous, qui suis-je?

Prédication de Florian Schubert – 15 septembre 2024

Textes: Esaïe 50, 5-9 et Marc 8,27-35

Chères paroissiennes, chers paroissiens,

La question de Jésus s’adresse aussi à nous: qui disons-nous qu’il est? De la réponse dépend toute l’orientation de notre vie. Selon ce que nous répondons à cette question que Jésus adresse à chacune et à chacun, notre vie n’aura pas le même sens, les mêmes valeurs ou la même richesse, alors c’est une question véritablement cruciale.

Lorsqu’il la pose aux disciples, il le fait en deux temps, il demande d’abord: «que disent les gens?» et les disciples lui rapportent trois réponses: Elie, Jean-Baptiste ou un des prophètes. Pour comprendre qui est Jésus, les gens se demandent quelle est sa place dans l’histoire du salut et dans l’esprit de qui, il parle, à qui il succède comme un fils spirituel un père spirituel. Ils ne pensent pas que Jésus est la réincarnation d’Elie ou de Jean-Baptiste d’autant moins qu’ils ont vécu en même temps, ce qui rend cette hypothèse encore plus absurde qu’elle ne l’est déjà pour un esprit juif. Ils cherchent à savoir à qui il succède et propose de le placer dans la longue chaine des prophètes de ceux qui parlent au nom de Dieu et par lesquels Dieu s’adresse à son peuple pour lui redonner du courage, une orientation et une espérance. Les gens ont donc identifié que Jésus parlait au nom de Dieu dans la filiation spirituelle des prophètes qui l’ont précédé notamment Elie et Jean Baptiste.

Mais Jésus va plus loin et demande aux disciples: Et vous? Qui dites-vous que je suis?

Et voici que Pierre donne une réponse sublime: «tu es le messie». Il dit par là: tu n’es pas dans la continuité ou la filiation des prophètes mais tu es celui qu’ils ont annoncé. Tu n’es pas un messager, tu es le message, tu ne parles pas d’espérance, de courage ou d’orientation mais tu ES le chemin, l’espérance et la vie. Toutes les promesses des prophètes trouvent en toi leur accomplissement.

Ayant compris cela, Jésus leur en dit la conséquence, il dit que si les prophètes ont annoncé un fils de l’Homme qui souffrira pour sauver les siens, lui Jésus devra souffrir, mourir et ressusciter. Parce qu’il n’est pas qu’un prophète qui annonce mais l’accomplissement des promesses par la vie, la mort et la résurrection qu’il vit. Il dit que si Esaïe a promis un serviteur souffrant, comme nous l’avons entendu, lui devra le vivre. Et voici que Pierre n’est pas d’accord.

Nous arrivons à la scène surprenante où Pierre prend Jésus à part pour lui faire des reproches, nous ne savons pas ce qui lui dit, mais ce qu’il lui dit est dangereux. Jésus le perçoit comme un danger pour sa mission, un danger pour son être, ce pourquoi il a ces mots très durs: vade retro satanas, arrière satan, arrière tentateur. Jésus semble dire que si les hommes, comme les prophètes peuvent parler au nom de Dieu, ils peuvent aussi se faire l’écho du Mal: mais quel est ce mal? N’est-ce pas compréhensible de vouloir détourner Jésus de ce chemin de souffrance, de solitude et de douleurs? Oui c’est compréhensible mais c’est aussi dangereux, car la mort de Jésus a beaucoup à nous apprendre qui sans elle resteraient sombres, je développerai deux aspects:

Par sa souffrance et sa mort, Jésus nous montre son amour infini. Comme il l’avait dit: il ni a pas de plus grand amour que de mourir pour ceux qu’on aime. Et c’est une expérience que nous pouvons aussi faire nous, notamment quand on devient parent, tout à coup on aime tellement qu’on serait prêt à mourir pour sauver celle ou celui qui nous est confié et qu’on aime. Et Jésus nous dit à chacune et chacun de nous qu’il nous aime de cet amour indestructible de Père. Et non seulement il le dit mais il le fait, car pour Jésus il n’existe pas de différence entre le dire et le faire, quand il dit cela devient, parce qu’il est véritablement Dieu. Quand il dit que la lumière soit, la lumière advient, et quand il dit je donnerais ma vie, il donne sa vie. Voilà pourquoi il est tellement plus qu’un prophète pour nous.

Deuxièmement, par sa mort ignominieuse, Jésus nous force à regarder celles et ceux que nous, les humains, détruisons. Ceux que nous mettons à mort, celles que nous humilions, ceux que nous torturons, celles que nous crucifions. Nous ne pourrons jamais comprendre à quel point cette façon de mourir dégoutait les antiques, elle est le signe d’une mort dans l’infamie. Mais Jésus se place radicalement du côté des humiliés et des oubliés et plus jamais une chrétienne ou un chrétien ne pourra regarder le corps torturé et mis à mort d’un humain sans un moment de conscience qu’il y là une ressemblance avec son sauveur. Jésus étend la promesse que l’être humain est fait à l’image de Dieu à toute l’humanité. Il dit oui, même l’homme torturé, mis à mort, moqué et violenté est image de Dieu. Il n’existe aucune humiliation, solitude et pauvreté dans laquelle nous ne soyons pas rencontré par ce Christ qui nous aime.

Alors à la grande question et vous qui dites-vous qui je suis? Répondons avec confiance: tu es le messie, tu es ce Dieu qui nous aime et qui vient nous rejoindre dans nos nuits et laissons-nous entrainé dans son immense mouvement d’amour et de miséricorde envers celles et ceux qui comme lui sont humiliés, moqués et meurent dans l’indifférence d’un monde trop dur. Oui tout dépend de notre réponse, car notre réponse aussi ne pourra pas rester juste des mots, il faudra qu’elle devienne vivante en s’incarnant dans nos vies, alors nous porterons avec lui les croix de ce monde et changerons les yeux de nos cœurs. Alors nous verrons en chacune et chacun une promesse: celle de la présence d’un Dieu qui nous aime infiniment malgré toute la violence et la laideur du Mal. Alors nous verrons que ce monde est beau et qu’il y a tant à aimer et à construire. Alors nous serons à la source de l’espérance, de la confiance et de l’amour et nous ferons comme lui: nous deviendrons véritablement humains.

Amen.