L’espérance qui nourrit

Prédication de Florian Schubert — 11 août 2024 — Collégiale de Neuchâtel

Texte: 1 Rois 19,1- 13

Chers paroissiens, chères paroissiennes,

Le récit du repas de ce dimanche est un repas un peu surprenant, il s’agit d’un des rares repas solitaire de la Bible. Elie mange seul, alors qu’il fait une forme de dépression et il trouve dans ce repas la force de continuer d’avancer.

Mais commençons par le contexte: Elie vient de se livrer à un affrontement terrible avec les prophètes de Baa. La reine Jézabel qui avait épousé le roi d’Israël vient de l’extérieur du royaume d’Israël de la région de Sidon et comme il est habituel dans le proche Orient antique, elle apporte avec elle ses dieux. Ce syncrétisme ne pose aucun problème dans des sociétés polythéistes où on peut toujours ajouter encore quelques dieux et déesses à un panthéon existant, la seule difficulté réside dans le fait qu’il faut rémunérer les prêtres et les prophètes de ces nouveaux cultes. Le roi Achab voudrait suivre cette mode et «enrichir» le culte d’Israël de nouveaux dieux, notamment nous l’avons entendu de celui de Baal. Mais Elie et ses disciples ne peuvent pas accepter cela, ils ont en tête le premier commandement: tu n’auras pas d’autres dieux que moi. Et ils sont allés jusqu’à se battre physiquement pour cela, les disciples d’Elie sont morts et ils ont tué les prophètes de Baal.

Après tous ces combats, Elie est vidé et il fuit dans le désert, là il a envie de mourir. C’est intéressant tant qu’il était dans le faire et dans le stress tout allait bien et c’est maintenant après que vient la fatigue extrême. L’expérience humaine reste malgré tous les changements assez similaire, Elie connait nos désespoirs et nos fatigues et la Bible nous les relatent comme pour donner des mots à nos mal-êtres. Et voici que vient un repas pour le tenir en vie, ce n’est pas un repas de fête, un repas de joie, c’est le repas le plus élémentaire, celui qui nous maintient simplement en survie. Signe de cette simplicité, le repas est composé d’eau et de pain frais. Il n’y pas pas de viande, de légumes ou de vin, signes de la fête. Dieu lui envoie juste de quoi ne pas mourir, parce que c’est ce dont il a besoin, ce pourquoi sa force suffit. Deux fois Elie mange puis il se remet en route pour faire une expérience essentielle de Dieu, Dieu n’est pas dans les signes éclatants dans la foudre, le feu et le tremblement mais dans le doux murmure de vent. Elie apprend par sa fragilité à réentendre Dieu, il cesse d’être dans l’agir pour apprendre à attendre, il n’est plus dans la complexité de la vie symbolisé par la complexité des repas, mais dans la simplicité, qui rappelle l’essentiel: ce n’est pas à lui de défendre Dieu, c’est Dieu qui prend soin de lui et de sa vie.

Dieu lui envoie chaque jour la nourriture et la force qui suffissent juste pour cette journée «donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour» dit Jésus pour nous apprendre à nous contenter de ce dont nous avons besoin dans l’immédiat. Dieu apprend à Elie à travers cette histoire tragique à être attentif à sa douceur, il lui montre ainsi une expérience de Dieu que nous faisons aussi: quand il semble absent, c’est juste qu’il est très silencieux et que nous devons entrer dans ce calme pour le retrouver au fond même du mystère de sa présence. Elie apprend la vulnérabilité, il n’a plus personne pour le défendre, il est seul, mais c’est là qu’il rencontre son Dieu, comme un vis-à-vis attentif et doux.

Des centaines d’années avant nous, Elie fait une rencontre avec le Dieu qui se révèle en Jésus, non pas un Dieu qui impressionne par son éclat et sa force, mais qui touche et convainc par sa douceur et son amour. Et Jésus cherche à nous donner cet exemple pour amener la vie dans nos crises: tant que nous tenons nos poings fermés pour nous défendre et donner des coups nous le perdons de vue, ce n’est que lorsque nous ouvrons nos mains et que nous sommes vulnérables qu’il nous rencontre de façon douce mais tangible.

Alors apprenons à vivre les mains ouvertes, ouvertes à tous les coups mais aussi à tous les dons, les surprises et les cadeaux qu’il nous fait et rappelons nous avec reconnaissance que le premier et le plus grand don qu’il nous fait c’est qu’il veut nous rencontrer et qu’il veut prendre soin de nous.

Amen