Prédication du 9 juin 2024

Ps. 35, 10-16   Mc 3, 20-30 

Avec notre récit on est au début de l’Ev. de Marc où on voit que Jésus démarre fort dans son ministère. Il prêche, il rassemble une équipe de disciples, il guérit, il chasse les démons et il a beaucoup de succès au point qu’il n’a plus le temps de manger.

Sa famille, ses proches s’inquiète et devant cette agitation et elle trouve qu’il a perdu la tête.

Sa renommée a même atteint Jérusalem et là aussi, on s’inquiète. Les scribes, intrigués et sans doute troublés de ce qu’on raconte de cet individu rassembleur de foules, se sont déplacé jusqu’à Capernaüm (150 km ). Ils apprennent que Jésus a du succès, qu’il guérit et chasse les démons

Et qu’est-ce qu’ils font ?

Ils lancent la rumeur que Jésus a parti lié avec le diable. Et ils prétendent qu’il chasse les démons par Belzébul.

Ma petite fille, qui ne pouvait pas venir ce matin, mais qui voulait savoir quel texte était prévu pour aujourd’hui, a spontanément éclaté de rire quand je lui ai résumé la scène : « Stupide, ils sont fous, ça ne tient pas leur argument. »  Elle a 14 ans !

Non ces messieurs, ces théologiens de l’époque n’étaient pas des demeurés. Mais ils ont essayé l’arme des fake news qui était en fait de la délation par mépris,

Jésus va les rencontrer et calmement il remet les pendules à l’heure. « Un royaume ne peut pas être diviser et se combattre à l’interne. » On dirait aujourd’hui que ce serait du sabotage. Et ça lui permet de placer une petite parabole pour expliquer son ministère : « si vous voulez piller la maison d’un homme fort, il faut d’abord le lier. » Autrement dit : Vous ne pouvez pas faire ami, ami avec lui.

Mais qu’est-ce qu’il explique par là, Jésus ?

Qui est l’homme fort ?

Qui est celui qui pille, le voleur ?

A 1ère vue on aurait tendance à dire que l’homme fort, c’est Jésus, ou Dieu, et le voleur c’est le démon. Dans l’Ev. de Jean il est même dit que l’ennemi n’est venu que pour voler, détruire et tuer. (Jn 10,10) ? Par la croix, l’ennemi a effectivement dépouillé Jésus de sa vie-même. C’est une lecture possible

Mais vous le savez, en ressuscitant, Jésus est en fait devenu l’homme fort puisque c’est lui qui a dépouillé son ennemi en lui enlevant les prérogatives qu’il s’était attribué.

Alors, qui est l’homme fort ?

Remarquons qu’ici, dans ce contexte, Jésus n’annonce pas sa mort. Il explique ce qu’il fait. Jésus dit qu’il faut lier l’homme fort. Et clairement il ne va pas se lier lui-même.

L’homme fort, c’est l’ennemi, c’est Satan, celui qui détruit des vies, qui ment, celui devant lequel on est démuni, celui qui met tout en œuvre pour que son règne, le règne des ténèbres soit plus fort que le règne de Dieu. C’est celui-là que Jésus est venu lier, lui enlever son pouvoir, le dépouiller. C’est ce qu’il fait en libérant ceux qui sont sous son emprise. Il le dépouille de ses proies.

C’est ce qu’il a fera sur la croix, pleinement, définitivement, puisqu’il en sortira vainqueur, ressuscité. C’est en cela que le voleur de la parabole est effectivement Jésus qui a volé à Satan son pouvoir maléfique.

Remarquez que Jésus n’a pas tué Satan, ne l’a pas éliminé. il l’a juste rendu vulnérable, et de fait Satan continue comme si de rien n’était. Sauf que :

Il est vaincu pour ceux qui se réclament de la victoire de Jésus.

Cette parabole, qui tient en un seul verset, résume en fait toute l’œuvre du Christ.

La folie, n’est pas du côté de Jésus, mais bien du côté de ceux qui se croient les plus sages, les plus lettrés, ceux qui détiennent le pouvoir et qui dénigrent Jésus et son ministère. Et Jésus avertit : c’est très grave, c’est même impardonnable. Oui, c’est un péché contre le Saint Esprit qui ne sera pas pardonné.

Maintenant que nous avons j’espère éclairé un peu cet épisode, le problème demeure. Comment comprendre tout cela aujourd’hui ?

Les démons ne sont plus à la page, et Satan est démythologisé ou même éliminé. Nous n’avons plus cette vision dualiste : le bien d’un côté et le mal de l’autre. Nous sommes beaucoup plus nuancés. Et en théologie nous avons retenu de Dieu sa bonté, sa lumière, sa force. Mais le mal c’est un peu une nébuleuse. Le mal existe, bien sûr, mais nous ne savons pas trop bien comment il est là, pourquoi Dieu le permet, ni comment vraiment le combattre.

On a tenté la morale pour éliminer le mal, mais ça ne marche pas non plus,

D’autant plus que Jésus est amoral.  Regardez le nombre d’interdits qu’il a enfreint. C’est impressionnant !

Ce qui fait que tous ces récits où Jésus chasse les démons et où il ordonne à ceux qui vont lui succéder, càd les baptisés que nous sommes, d’en faire de même, tout cela nous le mettons sous le tapis, sans savoir qu’en faire. C’est un peu comme la résurrection dont j’ai parlé lors de mon dernier passage où là non plus on ne sait plus ce que ça peut vraiment dire, ce que ça implique. Et les théologiens eux-mêmes se mettent à parler de phénomène résurrectionnel !

On a bien de difficulté de traduire dans la pensée et la sensibilité d’aujourd’hui ces notions qui nous paraissent d’un autre âge.

Pour en revenir aux démons, Il y a beaucoup de confusion. Par ex. on dira : ce gosse est un vrai démon. Il n’est pas obéissant, il est rebelle, c’est un mauvais garçon. On comprend souvent cette notion comme une force morale négative dont on peut échapper en étant très casher, en observant bien toutes les lois, les coutumes, en étant juste, en n’ayant pas de dettes, en ne faisant pas de faux pas, bref, en menant une vie droite. Et comme je l’ai déjà dit, ça ne résout pas tout.

Il y a un mal plus subtil, où vous avez beau tout mettre en œuvre, ça ne change pas grand-chose s’il s’agit d’un mal qui ronge, des forces qui sabotent la vie, qui sabotent les relations avec les autres et avec Dieu, qui ne permettent que la survie, voire qui conduisent à la mort. Parfois même les gens disent : ce n’est pas moi, c’est plus fort que moi. Il y a les addictions, certes. Mais pas seulement.

D’après la bible, il existe des forces spirituelles, qu’on ne peut pas combattre en étant moral. Les démons sont de cet ordre.

Or aujourd’hui, Le rationalisme et la psychologie ont passé par là et on identifie le mal être, toutes les déviances comportementales ou existentielles comme des problèmes psychiques voire psychiatriques, et on traite toutes les maladies par la médecine. Je ne dis pas qu’il ne faut pas recourir à la psychologie ou la médecine.  Surtout pas. Mais parfois la psychothérapie, la psychiatrie et la médecine ne marchent pas non plus. Dans ces cas il peut arriver que le problème soit spirituel. Mais comme on a démythologisé tout ça, on n’y pense pas. Et d’ailleurs, on ne saurait même plus quoi faire.

Actuellement les choix sont difficiles. Les offres de bien-être, les offres de spiritualités diverses et alléchantes foisonnent. Comment s’y retrouver ? Comment dire à nos enfants qu’il y a dans l’Evangile une bonne nouvelle, une nouvelle qui peut changer notre vie ? Que ce Dieu là est un Dieu qui aime, qui parle, qui guérit et libère encore aujourd’hui ? Et que c’est gratuit, car Dieu n’a pas changé ?

Vous me direz qu’on n’en voit pas grand-chose de ce Dieu-là, de sa puissance ! Pourquoi il permet l’injustice, la souffrance, la guerre ? On a prié pour la guérison et rien ne s’est passé ! C’est vrai et ça m’est aussi arrivé. C’est douloureux et questionnant. Mais ça m’est aussi arrivé de prier, souvent avec d’autres, et qu’il y a eu guérison. Ça m’est aussi arrivé que nous ayons dégagé une personne d’un esprit qui la tourmentait, qui lui pourrissait la vie et qu’il y a eu un changement notable pour cette personne.

Je sais que ce que je vous dis là laisse sceptique bien des gens, bien des chrétiens.

Peut-être même que ça en fâche certains. Car après tout, ce n’est pas tellement dans la tradition protestante… Comme ça n’était pas dans la tradition juive.

Je ne veux pas m’étendre davantage ici sur ce sujet. Je ne veux pas non plus convaincre. Les textes parlent d’eux-mêmes. On les prend tels que, ou on les interprète chacun selon son jugement, sa sensibilité, sa culture ou son background théologique ou religieux. C’est d’ailleurs aussi le propre du protestantisme.

Je me permets juste de vous suggérer de prier que l’Esprit saint vous conduise

et vous inspire quand vous lisez l’Ecriture. Selon ce que Jésus a dit à ses disciples avant de les quitter : Le Père enverra en mon nom l’Esprit saint et il vous enseignera toute chose et il vous rappellera tout ce que je vous ai dit. (Jn 14, 26)

C’est l’Esprit saint qui vous aidera à faire vos choix et pour peu qu’on l’écoute, il nous guide vraiment.

Amen

Ursula Tissot