Eglise-famille : Un défi pour aujourd’hui

Zachée Betche, pasteur
Textes : 2 Corinthiens 4, 13 – 5, 1 et Marc 3, 32-35


Frères et soeurs,
Être sous pression est susceptible de démaquiller notre personnalité. Celle-ci se révèle avec clarté, et parfois même au grand dam de certaines convenances sociales. Le vrai visage de la réalité des personnes s’affiche. Face à cette foule visiblement gagnée par ses enseignements, l’agacement à peine voilé des proches de Jésus qui s’impatientent de l’attendre et ce « on » dont le récit ne se préoccupe de préciser les patronymes, il déclare ce qui, pour lui, fondamentalement compte. Jésus lève ainsi l’ambiguïté à son sujet. Certes, sa biographie est passablement connue parmi les gens de son pays. Mais il est temps qu’il en dise davantage sur lui-même.


A ce stade du propos, il ne dit absolument pas que sa parenté biologique est disqualifiée de cette liste de frères et soeurs. Sa petite famille n’est pas larguée à la périphérie. Mais il en donne le sens profond qui inclut bien d’autres ; toutes les personnes qui, en l’écoutant, entendent résonner une parole qui les pousse à librement s’inscrire dans le projet divin (son royaume) – et ceci depuis le message de Jean-Baptiste invitant à changer de vie. Le message s’adresse aux personnes qui, à l’instant, reçoivent ses enseignements. Il s’adresse à nous à l’orée du XXIe siècle.


Autant le redire, cet incident montre à suffisance la filiation divine de l’infatigable enseignant qui parcourt de fond en comble son pays. Mais ce propos de Jésus qui le dévoile ouvre comme une boîte de pandore. Car l’ordre religieux régnant ne tardera de l’apprendre par le biais de ce « on » qui lui rappelle la présence de sa mère et de ses frères à l’extérieur de la foule et la lassitude qu’ils éprouveraient-là.


Mais toute famille, quelle qu’elle soit, n’est pas moins une réalité historique fragile à l’image de l’église d’hier et d’aujourd’hui. Celle-ci est prise parfois par le virus de l’indécision, de la désunion dans un monde toujours en mouvement ; aujourd’hui encore plus clivé dans des oppositions certaines. Un monde dans lequel son histoire, l’histoire de l’église, se profile en dents de scie et parfois au gré des crises retentissantes.


L’impression que l’église est sommée de se justifier, de montrer sa pertinence pour l’homme du XXIe siècle est vraie. C’est le gage de sa continuité dans l’espace monde.
Mais cela ne doit pas être un prétexte pour se laisser emporter dans des délires les plus insoupçonnés au point de pervertir son essence, ce qui la constitue, ce qui fait d’elle une famille qui vit selon l’horizon de Jésus-Christ, une église pour la gloire de Dieu (Calvin).


Or, nous ne sommes pas à l’abri de tels arrangements avec l’Esprit-Saint pour susciter ou faire triompher nos propres idéaux parfois par égoïsme sûrement au détriment de la volonté de Dieu : ses commandements.


Du point de vue anthropologique, le culturalisme ambiant n’appelle plus tant à la repentance au point où nous pouvons tout justifier et rivalisons malgré parfois avec les ONGs dont les causes peuvent certes être empreintes de noblesse. Mais notre mission traverse l’histoire ; annonçant la mort et la résurrection. Citoyens du monde et à la fois n’étant pas du monde, nous sommes confrontés à l’hédonisme contemporain et au matérialisme athée, deux visages assurés de la négation de Dieu dans notre monde. Ayant suffisamment pris ses distances avec l’évangélisme de droite, les Réformés doivent trouver leur équilibre dans l’humilité d’une chrétienté qui recherche sans cesse le visage de Dieu et l’obéissance, sans tenter de l’apprivoiser dans des contenus stéréotypées de la mode dominante contestatrice. Non ! Être protestant réformé ne se résume pas à protester. Et qu’avons-nous suffisamment acquis – notre jeunesse notamment – pour prétendre nous ouvrir et même parfois à l’excès ? La transmission de la foi aux plus petits, dans nos familles particulièrement, ne brille pas tant par sa pratique.


Fragile donc, comme une barque flottant dans la mer agitée, l’église est tout aussi susceptible de grandir parce qu’elle obéit à une dynamique propre par l’écoute désintéressée de l’Esprit-Saint. Dans les paroisses de nos différents cantons, l’église vit : les cultes sont célébrés, les rencontres d’études bibliques et de prières fonctionnent, les jeunes participent au catéchisme, nos différents conseils travaillent… Puissent-ils garder et soigner cet élan, puissent-ils être encouragés, pour que naissent des vocations (Berufen) pour reprendre le flambeau et continuer d’espérer malgré cette apparence morose que nul ne conteste.
Famille de Dieu par Jésus-Christ, puissions-nous vivre humblement et joyeusement de cette volonté en nous référant sans cesse à l’autorité des écritures sans petits arrangements égoïstes et dévoyés.
Ainsi, le journal à la main gauche et la Bible à la main droite, cheminons sans crainte vers le jour de Jésus-Christ.

Amen