<\/p>\n\n\n\n
Et vous, qu\u2019en pensez-vous ? Que penser en effet de ces deux fils dont l\u2019un dit non \u00e0 le demande du p\u00e8re, mais qui, se ravisant, effectue le travail ; et l\u2019autre qui fait tout l\u2019inverse.<\/p>\n\n\n\n
Comment penser en effet autre chose que celui qui a r\u00e9alis\u00e9 la volont\u00e9 du p\u00e8re, c\u2019est celui qui, ce jour-l\u00e0, s\u2019est rendu dans la vigne. Pour l\u2019autre, la r\u00e9alit\u00e9 parle d\u2019elle-m\u00eame : n\u2019\u00e9tant pas all\u00e9 au bout de ses engagements, il n\u2019a pas r\u00e9alis\u00e9 la volont\u00e9 du p\u00e8re. Peut-on penser plus ?<\/p>\n\n\n\n
Oh ! il n\u2019est pas exclu d\u2019imaginer que le second fils ait \u00e9t\u00e9 sinc\u00e8re au d\u00e9part et qu\u2019il avait bien l\u2019intention de s\u2019y rendre, dans cette vigne. Mais voil\u00e0, des circonstances, peut-\u00eatre, l\u2019en ont emp\u00each\u00e9. On peut se casser une jambe, tomber en panne d\u2019essence, et mille autres choses qui font que ne se concr\u00e9tisent pas nos promesses.<\/p>\n\n\n\n
Nos existences sont \u00e9maill\u00e9es d\u2019engagements non tenus, de projets jamais aboutis et d\u2019actes manqu\u00e9s. La v\u00e9rit\u00e9, c\u2019est que nous avons une proximit\u00e9 beaucoup plus fr\u00e9quente avec les d\u00e9nis du second fils qu\u2019avec la fiabilit\u00e9 du premier.<\/p>\n\n\n\n
Ainsi que le formule la sagesse populaire : \u00ab les conseilleurs ne sont pas les payeurs <\/em>\u00bb. Et les bonnes intentions dont nous pavons les voies de nos existences, si elles restent \u00e0 l\u2019\u00e9tat d\u2019inertes gravats, ne sont que mensonges. On se ment finalement tr\u00e8s bien, tr\u00e8s couramment, avec une \u00e9tonnante facult\u00e9 d\u2019adaptation aux circonstances. <\/p>\n\n\n\n Cl\u00e9menceau disait : \u00ab on ne ment jamais tant qu\u2019avant les \u00e9lections, pendant la guerre, et apr\u00e8s la chasse<\/em> \u00bb. La p\u00e9riode que nous vivons, et qui \u2013par co\u00efncidence- aligne ces trois occurrences, devrait nous permettre de v\u00e9rifier la pertinence de la citation du tigre. <\/p>\n\n\n\n Mais cette parabole n\u2019est pas l\u00e0 que pour nous faire prendre conscience de la distance entre le dire et le faire ; et surtout pas pour nous enfoncer encore plus dans nos regrets de ne pas avoir men\u00e9 \u00e0 bien ce que nous avions souhait\u00e9 faire. Pour nous sortir de cette impasse, il nous faut examiner \u00e0 qui cette parabole est dite, et comment elle est dite.<\/p>\n\n\n\n J\u00e9sus ici s\u2019adresse aux chefs religieux et autres ma\u00eetres de la loi, personnages qu\u2019on rencontre assez souvent dans les \u00e9vangiles. Mais ici, c\u2019est \u00e0 un moment particulier : celui qui suit les rameaux o\u00f9 J\u00e9sus est entr\u00e9 dans J\u00e9rusalem et qu\u2019il vient de chasser les marchands du temple. Alors mettons-nous \u00e0 la place de ces pr\u00e9lats ; qu\u2019est-ce qu\u2019ils voient ? Comment interpr\u00e8tent-ils ce qui se passe ?<\/p>\n\n\n\n Ils sont \u00e0 la veille du grand rassemblement religieux de la P\u00e2que o\u00f9 affluent de tr\u00e8s nombreux p\u00e8lerins, certains des habitu\u00e9s, mais pas seulement. Parce qu\u2019une telle manifestation de masse ne se produit pas spontan\u00e9ment : elle r\u00e9pond \u00e0 une prise de conscience collective, elle fait suite \u00e0 l\u2019appel d\u2019un ou plusieurs pr\u00e9dicateurs que les gens ont entendu et qui les a fait retourner \u00e0 la foi. <\/p>\n\n\n\n On est ici en plein dans ce qu\u2019on appellera plus tard une p\u00e9riode de r\u00e9veil. Et cette campagne d\u2019\u00e9vang\u00e9lisation d\u2019avant la lettre, elle est incarn\u00e9e par la figure de Jean-Baptiste. Nombreux \u00e9taient ceux qui, montant \u00e0 J\u00e9rusalem \u00e0 ce moment-l\u00e0, avaient entendu d\u2019abord le message du baptiste. <\/p>\n\n\n\n De cela, ces religieux sont parfaitement conscients ; peut-\u00eatre surpris par l\u2019ampleur du ph\u00e9nom\u00e8ne, mais clairement pas assez sots pour s\u2019y opposer. De tous ces gens, ces petites gens, mercenaires et femmes faciles, que le baptiste a amen\u00e9s \u00e0 la conversion, ce serait bien le diable si on n\u2019arrivait pas \u00e0 en faire de braves et r\u00e9guliers paroissiens. <\/p>\n\n\n\n Ce qui est moins clair pour eux, c\u2019est quoi faire de J\u00e9sus : qui est-il par rapport au baptiste ? Parce que si Jean-Baptiste est mort et, par cons\u00e9quent, ne dira plus rien qui les d\u00e9range ; J\u00e9sus, lui, est vivant. Et \u00e0 quoi, avec lui, faut-il encore s\u2019attendre ?<\/p>\n\n\n\n Et c\u2019est donc \u00e0 eux que J\u00e9sus demande ce qu\u2019ils pensent de cette courte parabole. C\u2019est \u00e0 eux d\u2019y r\u00e9fl\u00e9chir d\u2019abord, \u00e0 nous ensuite, parce qu\u2019avec J\u00e9sus, \u00e0 quoi, \u00e0 qui nous attendons-nous ?<\/p>\n\n\n\n Aussi, les mots qu\u2019utilisent J\u00e9sus sont tr\u00e8s importants. Si cette parabole est br\u00e8ve, c\u2019est bien pour que nous puissions facilement les rep\u00e9rer, et rep\u00e9rer aussi ce qui rassemble et ce qui diff\u00e9rencie les deux fr\u00e8res.<\/p>\n\n\n\n Ce sont des fr\u00e8res parce qu\u2019enfants du m\u00eame p\u00e8re qui, lorsque celui-ci s\u2019adresse eux, utilise non pas le mot que nous pourrions traduire par \u00ab fils \u00bb (dans le sens officiel du terme), mais par celui plus familier de \u00ab enfants \u00bb (1). On pourrait presque entendre \u00ab eh les gamins !\u00bb. Il y a une relation quasiment affectueuse du p\u00e8re \u00e0 ses enfants qui est pos\u00e9e toute suite.<\/p>\n\n\n\n Et c\u2019est dans la r\u00e9ponse des deux fils que cela va diverger. Le premier formule clairement un \u00ab je ne veux pas \u00bb. Il ne donne pas de raisons, il ne fait pas \u00e9tat des circonstances de son refus. Il affirme ici sa pleine autonomie. Il ne veut pas, c\u2019est sa libre d\u00e9cision.<\/p>\n\n\n\n Le second fils dit \u00ab moi \u00bb, sous-entendu peut-\u00eatre : \u00ab moi j\u2019irai \u00bb, mais ponctu\u00e9 surtout d\u2019un tr\u00e8s respectueux \u00ab Seigneur \u00bb, tr\u00e8s d\u00e9cal\u00e9 du ton affectueux du p\u00e8re. Comme si cet enfant, s\u2019accrochant \u00e0 ses pr\u00e9cieuses formules, faisait de son p\u00e8re un Seigneur distant, tellement inaccessible que ce qu\u2019il vous demande est irr\u00e9alisable. A quoi bon d\u00e8s lors se rendre dans sa vigne ; et pour y faire quoi si on s\u2019en sait irr\u00e9m\u00e9diablement indigne et assur\u00e9ment incapable ?<\/p>\n\n\n\n Dans la r\u00e9ponse du second fils, il n\u2019y a pas n\u00e9cessairement de mauvaise volont\u00e9. Ce n\u2019est pas un hypocrite. C\u2019est juste quelqu\u2019un qui n\u2019entend pas son propre p\u00e8re l\u2019appeler mon enfant parce qu\u2019il est enferm\u00e9 dans l\u2019image du Ma\u00eetre et Seigneur qu\u2019il s\u2019en fait.<\/p>\n\n\n\n Entends-nous bien, c\u2019est n\u2019est pas d\u2019appeler Dieu \u00ab Seigneur \u00bb qui soit incorrect, parce que Seigneur, Il l\u2019est, et de tout l\u2019univers. Mais c\u2019est de se figurer qu\u2019il ne soit que cela ; et d\u2019exclure la possibilit\u00e9 qu\u2019il est Dieu qui s\u2019approche ; Dieu \u00e0 qui on ne dicte ni sa fa\u00e7on d\u2019agir ni celle de juger quand il nous dit : \u00ab je veux que vous me reveniez et que vous viviez <\/em>\u00bb. <\/p>\n\n\n\n C\u2019est le proph\u00e8te Ez\u00e9chiel qui avait d\u00e9j\u00e0 mis le doigt dessus. \u00abRejetez le poids de toutes vos r\u00e9bellions ; faites-vous un c\u0153ur neuf et un esprit neuf ; pourquoi devriez-vous mourir, maison d\u2019Isra\u00ebl ? Je ne prends pas plaisir \u00e0 la mort de celui qui meurt \u2013 oracle du Seigneur DIEU – ; revenez donc et vivez ! <\/em>\u00bb (Ez\u00e9chiel 18 ; 31-32)<\/p>\n\n\n\n Revenez donc, repentez-vous, faites techouva : il est plusieurs fa\u00e7on de le d\u00e9cider. Mais c\u2019est cette opportunit\u00e9 que le premier enfant va saisir. <\/p>\n\n\n\n Il se repend (2) : non pas qu\u2019il s\u2019accable de regrets, mais il a chang\u00e9 d\u2019avis. Les anglais disent \u00ab he changed his mind<\/em> \u00bb. Il a chang\u00e9 son esprit, chang\u00e9 le cheminement de sa pens\u00e9e. Quitte \u00e0 revenir sur des d\u00e9clarations qui l\u2019enfermaient dans un refus st\u00e9rile, il se d\u00e9cide \u00e0 des priorit\u00e9s qui font vivre. Parce que travailler dans une vigne, c\u2019est travailler \u00e0 la vie.<\/p>\n\n\n\n J\u00e9sus livre cette courte parabole \u00e0 des religieux pour qu\u2019ils s\u2019autorisent enfin \u00e0 cette ouverture. Comme aussi pour qu\u2019ils reconnaissent cette libert\u00e9 \u00e0 tous les enfants de Dieu, m\u00eame ceux qui sont les moins fiables \u00e0 leurs yeux : les collecteurs d\u2019imp\u00f4ts et les prostitu\u00e9es. <\/p>\n\n\n\n Ceux-l\u00e0 vous passeront devant leur dit J\u00e9sus : parce que ceux -l\u00e0 ont moins tard\u00e9 que vous \u00e0 faire confiance en Dieu qui accueille les revirements. <\/p>\n\n\n\n Un Dieu dont la vigne de vie est vaste et fertile. Dieu qui donne un sens \u00e0 l\u2019engagement de tous.<\/p>\n\n\n\n YAL, 15.10.2023 (pr\u00e9dication au temple du Locle)<\/p>\n\n\n\n (1) notes :<\/p>\n\n\n\n (1) (1) du mot grec \u00ab teknon<\/em> \u00bb, fils, enfant \u00ab par opposition \u00e0 \u00ab huios<\/em> \u00bb \u00bb, fils, descendant. <\/p>\n\n\n\n (2) (2) du verbe grec \u00ab metameloma\u00ef<\/em> \u00bb, se repentir : compos\u00e9 du pr\u00e9fixe \u00ab meta \u00bb qui induit un changement, une transformation comme dans \u00ab m\u00e9tamorpohse \u00bb et de \u00ab melo<\/em> \u00bb : \u00eatre un objet de soins, d\u2019int\u00e9r\u00eat. Mot \u00e0 mot changer de priorit\u00e9.<\/p>\n\n\n\n Matthieu 21 : 28 \u00e0 32 <\/p>\n\n\n\n 28<\/a><\/strong>\u00ab Quel est votre avis ? Un homme avait deux fils. S\u2019avan\u00e7ant vers le premier, il lui dit : \u201cMon enfant, va donc aujourd\u2019hui travailler \u00e0 la vigne.\u201d <\/p>\n\n\n\n 29<\/a><\/strong>Celui-ci lui r\u00e9pondit : \u201cJe ne veux pas\u201d ; un peu plus tard, pris de remords, il y alla. <\/p>\n\n\n\n 30<\/a><\/strong>S\u2019avan\u00e7ant vers le second, il lui dit la m\u00eame chose. Celui-ci lui r\u00e9pondit : \u201cJ\u2019y vais, Seigneur\u201d ; mais il n\u2019y alla pas. <\/p>\n\n\n\n 31<\/a><\/strong>Lequel des deux a fait la volont\u00e9 de son p\u00e8re ? \u00bb \u2013 \u00ab Le premier \u00bb, r\u00e9pondent-ils. J\u00e9sus leur dit : \u00ab En v\u00e9rit\u00e9, je vous le d\u00e9clare, collecteurs d\u2019imp\u00f4ts et prostitu\u00e9es vous pr\u00e9c\u00e8dent dans le Royaume de Dieu. <\/p>\n\n\n\n