Ecrit par Pascal Wurz
Dans ce beau chapitre 10 de l’Evangile de Jean, on en reste souvent à l’image bucolique du bon berger. Belle image en effet que celle du berger, qui dit toute l’attention que porte Jésus aux personnes qui lui sont confiées comme tout berger qui aime ses moutons. Il faut creuser cette image, en chercher le sens, sinon on en reste à une image d’Epinal et on passe à côté de l’essentiel.
Dans cette parabole, Jésus montre la différence qu’il y a entre le bon berger et le mercenaire, celui qui est payé pour faire son travail, qui ne possède pas les bêtes qui lui sont confiées, qui n’a aucun scrupule à fuir lorsque le loup apparaît, et ne se pose aucun problème de conscience en abandonnant ses moutons à leur prédateur. Mais la différence va beaucoup plus loin que la simple question du statut entre le bon berger et le mercenaire.
« Le Père m’aime parce que je donne ma vie, pour ensuite la recevoir à nouveau. Personne ne me l’enlève, mais je la donne de moi-même… »
Tout est là, dans ce geste totalement libre et pleinement souverain de Jésus : le don de soi. La parabole du bon berger n’a d’autre but que d’éclairer le sens de la passion de Jésus, sa mort et sa résurrection. Non, il n’a pas subi les événements de Jérusalem, son arrestation, son jugement expédié, sa mort sur la croix.
En lisant scrupuleusement les textes, on s’aperçoit que Jésus garde toujours l’initiative, il n’est pas l’objet des forces religieuses et politiques qui le jugent, comme un fétu de paille livré au vent. Connaissant la dure réalité de cette épreuve, il l’assume pourtant complètement par don de soi. Ce don de soi est d’abord l’expression de sa relation à Dieu. Cette relation se joue de manière absolue dans l’amour et la confiance. La vie de Jésus ne lui appartient pas, elle est un don de Dieu, comme nos vies à chacune et chacun sont un don de Dieu ; Jésus sait que Dieu est maître de cette vie, celle qu’il a vécu jusque-là, y compris dans l’épreuve qu’il traverse, et même par-delà la mort.
Parce que c’est une vie qui se déploie dans l’amour de Dieu, Jésus peut la donner avec confiance, et dans l’espérance que Dieu lui rendra sa vie d’une manière ou d’une autre. Confiance et amour lui donnent cette formidable liberté d’offrir sa vie comme un don.
Tel est le sens de la croix et de la résurrection. L’une ne va pas sans l’autre. Et c’est pourquoi Vendredi-Saint et Pâques sont les événements de la vie de Jésus qui donnent sens à notre vie à chacune et chacun de nous, ainsi que le fondement de notre foi chrétienne. La foi chrétienne n’est pas simplement un bagage religieux que l’on accepte de porter, comme on porte d’autres convictions, un bagage que l’on aurait reçu après un parcours catéchétique plus ou moins intéressant. Si ce n’était que ça, la croix n’aurait pas de sens. La croix est le symbole de la relation d’amour entre Jésus et Dieu, qui lui donne cette formidable liberté de pouvoir donner sa vie de lui-même. La croix est donc le fondement de notre relation à Dieu, à Jésus et à autrui.