Le cycle de conférence au Musée d’art et d’histoire de Neuchâtel initié dans le cadre des 500 ans du Jubilé de la Réformation a accueilli récemment Olivier Labarthe. Chercheur associé à l’institut d’histoire de la Réformation de l’Université de Genève, président de la société du Musée historique de la Réformation de Genève, l’orateur a retracé avec verve l’incessant engagement de Guillaume Farel pour faire triompher les idées de la Réforme.
En guise d’introduction, Olivier Labarthe a expliqué, avec humour, que ce n’était pas une mince affaire pour un Genevois pur sucre comme lui de venir à Neuchâtel évoquer la figure de Guillaume Farel. «Il y a un rapport de forces complètement déséquilibré. Farel a lancé la Réforme à Genève entre 1533 et 1538. Cinq modestes années, mais décisives, en regard des 27 années neuchâteloises, de 1538 à 1565. En plus, il ne faut pas oublier que Farel avait déjà proclamé la Réforme à Neuchâtel entre le 1er et le 16 décembre 1529, venant de Gléresse et de La Neuveville, et qu’en 1530 il a fait un saut à Neuchâtel au début du mois de juillet pour y revenir à mi-août – soit deux mois et demi avant l’adoption de la Réforme. Farel est donc bien votre réformateur», insiste le conférencier.
Olivier Labarthe estime que la statue monumentale contrôlant l’accès à la Collégiale en est la preuve. «Cette statue, créée en 1875 par Charles Frédéric Iguel, décrit un Farel impressionnant, voire terrifiant. Il lutte à bible ouverte, à coup de versets bibliques sans doute mais aussi et pourquoi pas à coup de bible, à coup de livre sur la tête si on ne comprend pas», s’enflamme l’orateur. D’après lui, cette statue suggère le combat de Farel pour faire triompher la Réforme. Elle décrit sa période missionnaire, sa marche ininterrompue à travers tout le Plateau suisse pour expliquer, convaincre, persuader que sa doctrine est la véritable doctrine évangélique.
Globe-trotter de son époque
Revenant sur la dimension missionnaire de Farel, Olivier Labarthe relate ensuite l’extraordinaire périple effectué par ce natif de Gap, ayant vu le jour en 1489. Soit six ans après Luther et vingt avant Calvin. En 1509, justement, Farel monte à Paris y faire ses humanités. Au contact de courants réformistes au sein de l’Eglise, il est fortement influencé par Lefèvre d’Etaples et sa relecture des textes bibliques. Farel suit aussi de près l’évêque Briçonnet, qui cherche à renouveler le message de l’Eglise dans son diocèse.
Ayant perçu la nécessité et l’importance d’une réforme de l’Eglise, il opte pour la rupture dès 1521. Farel quitte alors Paris. Entre 1522 et 1523, il se rend à Lyon, puis à Bâle et à Strasbourg. L’année suivante, il est à Zurich, à Schaffhouse, Constance et Montbéliard. Retour ensuite à Bâle, Strasbourg et Metz en 1525, puis Colmar, Mulhouse, Bâle, Berne et Aigle, où il pose ses bagages à fin 1526.
«Pas de routes goudronnées, pas de moteur VW truqué. Mais à pied ou à cheval, souvent par des chemins détournés pour éviter la gendarmerie ou certaines bourgades trop hostiles. Seul ou accompagné, Farel poursuit sa route inspirée par la marche du Christ en Palestine, ou par l’infatigable voyageur Paul de Tarse, que l’on retrouve dans la Collégiale», narre avec passion Olivier Labarthe.
Ce dernier note que jusqu’à son arrivée à Genève en 1533, il est intéressant de constater qu’à partir de la base d’Aigle, puis de celle de Morat, Farel lance des initiatives missionnaires vers le nord, le vallon de Saint-Imier, vers les bords du lac de Neuchâtel, vers le lac Léman, et enfin à l’égard des bourgades du Plateau. Farel séjourne à Genève jusqu’en 1538 – la Réforme y est adoptée en 1536 –, moment où il est appelé par la ville de Neuchâtel pour y être son pasteur.
Sermons et prières en phase avec l’actualité
En sa qualité de premier pasteur de Neuchâtel, Farel prêche chaque dimanche à la Collégiale et en semaine plusieurs fois à la chapelle de l’Hôpital, précise Olivier Labarthe. «Nous savons que le sermon proprement dit dure une bonne heure et qu’il est entouré de prières et de chants. Il est probable que Farel suit ce que l’on nomme la lecture continue de la Bible, à savoir le commentaire suivi d’un livre de la bible, chapitre après chapitre. Ses sermons doivent aussi faire une large place à l’actualité, nourris par des situations personnelles ou des événements significatifs. Ses prières doivent aussi faire une large place à l’actualité et à diverses situations humaines rencontrées. Son message s’appuie sur les deux piliers de sa doctrine: la justification par la foi en Jésus Christ et la sanctification par une vie reconnaissante de la grâce qui a été accordée.»
Dans la construction de l’Eglise réformée, Farel va être confronté à plusieurs crises, liées notamment au principe de l’excommunication et à la gestion des biens ecclésiastiques. Après celles de 1541 et de 1545, il est tenté de quitter Neuchâtel. Il le fait en 1542, prenant la direction de Metz pour soutenir ses coreligionnaires et lutter, en vain, contre la réaction catholique. Son absence dure un an. Farel reprend la route en 1561-1562. Il visite à nouveau sa ville natale de Gap, où il gagne l’évêque du diocèse à la cause de la réforme. Son ultime voyage, en 1565, est pour Metz, cette ville qu’il affectionne particulièrement. Déjà fortement affaibli dans sa santé, il fait le voyage au printemps. Farel s’éteint le 13 septembre.