La paroisse de La Côte était en fête vendredi 24 mars. Elle célébrait le 10e anniversaire de la reconnaissance du temple de Corcelles comme site clunisien. L’événement a pris une dimension particulière en cette année de commémoration des 500 ans de la Réforme. Un riche programme, ponctué d’une sacrée fondue, a été proposé à la population.
Vedette du jour, le temple de Corcelles a accueilli la partie initiale de cette soirée festive. Devant un auditoire fort dense, Ann Robert a retracé les grandes lignes des événements liés à la Réforme. D’emblée, elle a rappelé que lorsque Martin Luther publie et distribue ses 95 thèses «contre la puissance des indulgences» en 1517, c’est l’aboutissement d’une longue réflexion qui s’était installée en Europe dès le XIVe siècle.
«Indépendamment les uns des autres, des foyers de réforme s’étaient allumés en Europe», note-t-elle. Elle ajoute que les pré-réformateurs s’érigeaient contre le train de vie somptueux des membres du clergé qu’ils considéraient contraires aux enseignements de Jésus.» Parmi ces pré-réformateurs, Ann Robert cite l’Anglais John Wycliffe (env. 1320-1384), qui traduit la Bible en anglais depuis sa version en latin pour que les Ecritures soient accessibles aux fidèles car elles sont la seule source de foi véritable. L’oratrice évoque aussi le Tchèque Jan Hus (env. 1370-1415) qui, en défendant des idées de Wycliffe, a été supplicié à Constance en 1415 et a aussitôt considéré par le peuple tchèque comme un martyr et un saint.
L’intervenante précise que le nom de ces précurseurs, et de bien d’autres, n’étaient pas restés dans la mémoire collective, mais qu’un siècle plus tard, en découvrant les écrits de Jan Hus, Luther s’exclame: «Jusqu’à maintenant, j’ai défendu et exposé les enseignements de Jan Hus sans le connaître… Nous sommes tous des Hussites sans le savoir.»
Regard régional et local
Ce rappel historique a bien évidemment abordé, par le biais de personnalités comme Guillaume Farel ou Guillemette de Vergy, les événements marquants de l’histoire de la Réforme en pays de Neuchâtel. Des événements qui ont conduit au vote du 4 novembre 1530 et à l’acceptation de la foi réformée en tant que seule pratique dans la ville de Neuchâtel.
Plus localement, Ann Robert a indiqué qu’à Corcelles, les quelques moines ont quitté le prieuré et que le dernier prieur, Claude de Senarclans – il deviendra conseiller d’Etat en 1555 –, s’est converti au protestantisme en 1536. Quant au premier pasteur de Corcelles, un certain flou règne sur son identité. D’après certains auteurs anciens, c’est l’ancien curé Jean Droz qui a embrassé la Réforme et est resté comme pasteur du lieu.
La correspondance de Guillaume Farel apporte cependant une certitude. Un certain Jacques Lecoq a été nommé pasteur en 1532. Ce dernier a en effet envoyé un rapport à Farel concernant ses expériences et ses déboires avec Guillemette de Vergy – mère du seigneur de Valangin et véhémente résistante à la célébration de la foi réformée – ainsi que la bonne influence de l’instituteur sur les nombreux enfants qui fréquentent l’école.
L’épopée de Cluny
Délégué de la Fédération européenne des sites clunisiens, Michel Gaudard a lui aussi captivé l’auditoire avec ses propos sur l’exceptionnelle aventure de Cluny. Dans un premier temps, il a rapidement évoqué le monachisme chrétien et son importance dans l’extension du christianisme à la fin de l’Antiquité et au Moyen Age. L’orateur a ensuite narré les règles régissant la vie dans un monastère avant de décrire l’importance de l’Eglise clunisienne au début du deuxième millénaire.
Enfin, avant de présenter brièvement la Fédération européenne des sites clunisiens, Michel Gaudard a expliqué que l’implantation de monastères clunisiens en Suisse romande était en grande partie l’œuvre de deux femmes: la princesse Adélaïde et l’impératrice Adélaïde.
L’intervenant a ainsi rappelé qu’au Xe siècle, la Suisse romande faisait partie du royaume de Bourgogne – la Bourgogne transjurane –, royaume qui se trouve alors dans le giron du Saint-Empire germanique. Il précise que la princesse Adélaïde est la sœur du roi de Bourgogne Rodolphe 1er et qu’elle reçoit de son frère, en 888, le monastère de Romainmôtier. Un établissement dont elle fera don, quarante ans plus tard, à l’abbé de Cluny. L’impératrice Adélaïde, fille du roi Rodolphe II de Bourgogne et de la reine Berthe – elle est née en 930 –, donnera quant à elle Payerne à l’abbé de Cluny.
La partie historique achevée, le chœur Goudimel a ravi l’assistance avec ses interprétations à quatre voix a cappella de psaumes du XVIe siècle. Le public s’est ensuite rendu en cortège, et en musique, à la salle de spectacle du village où se déroulait la suite du programme. Avant de se mettre à table pour une sacrée fondue – sacrément bonne –, les convives ont assisté à une discussion sur le thème du «Sacré» entre Félix Moser, théologien, et Daniel Schultess, philosophe.