Pr\u00e9dication du dimanche 2 juin 2024 \u00e0 B\u00f4le
Lectures bibliques : Deut\u00e9ronome 5,12-15, 2 Corinthiens 4,6-11 et Marc 2,23 \u00e0 3,6.<\/p>\n\n\n\n
L\u00e8ve-toi, viens au milieu !
\u00abViens au milieu\u00bb, ce sont ces paroles qui ont retenti ce jour l\u00e0 dans la synagogue de la ville de Capharna\u00fcm. \u00c0 ces mots, un silence s\u2019est install\u00e9. Un silence teint\u00e9 d\u2019un certain malaise. Il y a des choses qui ne se font pas. Et les \u00e9difices religieux quels qu\u2019ils soient sont des lieux dans lesquels on ne contrevient pas aux codes et aux habitudes sans s\u2019attirer des regards en coin.
Une tension habite ce silence : on attend de voir. Va-t-il oser ?<\/p>\n\n\n\n
Viens au milieu. Ne reste pas terr\u00e9 dans l\u2019ombre. Avance-toi aux yeux de tous.
En invitant cet homme \u00e0 s\u2019avancer, J\u00e9sus met en lumi\u00e8re non seulement cet individu, mais avec lui, il braque le projecteur sur des enjeux fondamentaux.
– Il place au centre la question de l\u2019interpr\u00e9tation de la loi.
– Il met en lumi\u00e8re un d\u00e9saccord profond sur le sens du sabbat.
– Il oriente les regards sur lui-m\u00eame et sur son identit\u00e9 en tant que Messie.
Et en faisant tout cela, il joue sa vie. Rien de moins.<\/p>\n\n\n\n
Viens au milieu. Et que les autres voient. Ou plut\u00f4t qu\u2019ils observent, qu\u2019ils \u00e9pient, qu\u2019ils jugent.
Ceux qui portent ce genre de regard n\u2019\u00e9coutent pas. Il savent. Et ils attendent un faux pas pour, confort\u00e9s dans leurs pr\u00e9-compr\u00e9hensions, fondre sur celui qu\u2019ils ont d\u00e9j\u00e0 condamn\u00e9.<\/p>\n\n\n\n
Viens au milieu et qu\u2019avec toi, homme anonyme \u00e0 la main paralys\u00e9e, soit mis \u00e0 jour la grande question de la loi et du sabbat!<\/p>\n\n\n\n
Pr\u00e8s de la moiti\u00e9 des gu\u00e9risons racont\u00e9es dans les \u00e9vangiles ont lieu un jour de sabbat. Si J\u00e9sus avait respect\u00e9 les prescriptions de l\u2019\u00e9poque, il ne devrait y en avoir aucune. Ou un nombre minime car seul un danger de mort justifiait d\u2019op\u00e9rer un tel acte en ce jour sacr\u00e9. Si la vie n\u2019\u00e9tait pas en p\u00e9ril, il convenait d\u2019attendre le lendemain pour agir. Toute gu\u00e9rison \u00e9tait consid\u00e9r\u00e9e comme un travail. Et le jour du sabbat, le travail est proscrit.
Pourtant, si le sabbat n\u2019avait rien signifi\u00e9 pour J\u00e9sus, s\u2019il ne l\u2019avait que n\u00e9glig\u00e9, un septi\u00e8me des gu\u00e9risons auraient d\u00fb avoir lieu ce jour-l\u00e0. Statistique pure.<\/p>\n\n\n\n
Cette proportion, pr\u00e8s de la moiti\u00e9, met en lumi\u00e8re le fait que pour J\u00e9sus, le sabbat est un jour \u00e0 part. Mais pas \u00e0 part de la m\u00eame mani\u00e8re que pour les Pharisiens. Un jour \u00e0 part car un jour choisi pour faire du bien, pour lib\u00e9rer, pour sauver.<\/p>\n\n\n\n
\u00c0 ceux qui s\u2019\u00e9chinent \u00e0 respecter de mani\u00e8re pointilleuse la prescription sabbatique : interdiction de tout travail, interdiction de sortie d\u2019un p\u00e9rim\u00e8tre restreint autour de son domicile, interdiction d\u2019acte m\u00e9dical ou social, J\u00e9sus rappelle le fondement du 7e jour. \u00c0 ceux qui sont choqu\u00e9s que ses disciples se permettent d\u2019arracher des \u00e9pis de bl\u00e9s, \u00e0 ceux qui \u2013 juste avant dans le chapitre 2 de l\u2019\u00e9vangile de Marc \u2013 s\u2019insurgent de constater que les disciples ne respectent pas le je\u00fbne \u00e0 l\u2019image des disciples de Jean Baptiste ou des pharisiens, J\u00e9sus r\u00e9pond par l\u2019action.<\/p>\n\n\n\n
Il gu\u00e9rit, il nourrit, il restaure. Parce que telle est l\u2019intention du sabbat. Ce jour mis \u00e0 part appartient \u00e0 l\u2019intention cr\u00e9atrice de Dieu. Il n\u2019est pas \u00e0 bien plaire, c\u2019est un commandement. L\u2019\u00e9quilibre de 6 pour 1 entre le travail et le repos est un don de Dieu.<\/p>\n\n\n\n
Dans le livre de l\u2019Exode, le commandement du sabbat est li\u00e9 de mani\u00e8re explicite au r\u00e9cit de la Cr\u00e9ation, mais l\u2019Ancien Testament ne contient pas une mais deux occurrences des 10 paroles, des 10 commandements. Dans le livre du Deut\u00e9ronome, la prescription du sabbat est li\u00e9e \u00e0 l\u2019\u00e9v\u00e9nement fondateur du peuple d\u2019Isra\u00ebl : la lib\u00e9ration d\u2019\u00c9gypte.<\/p>\n\n\n\n
\nPrends soin de me r\u00e9server le jour du sabbat, comme le Seigneur ton Dieu l’a ordonn\u00e9. Tu as six jours pour travailler et faire tout ton ouvrage. Le septi\u00e8me jour, c’est le sabbat qui m’est r\u00e9serv\u00e9, \u00e0 moi, le Seigneur ton Dieu. Tu ne feras aucun travail ce jour-l\u00e0, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni tes serviteurs ou servantes, ni ton b\u0153uf, ni ton \u00e2ne, ni aucune autre de tes b\u00eates, ni l’immigr\u00e9 qui r\u00e9side chez toi ; tes serviteurs et servantes doivent pouvoir se reposer comme toi. Ainsi tu te souviendras que tu as \u00e9t\u00e9 esclave en \u00c9gypte, et que je t’en ai fait sortir gr\u00e2ce \u00e0 ma puissance irr\u00e9sistible. C’est pourquoi moi, le Seigneur ton Dieu, je t’ai ordonn\u00e9 de faire ainsi le jour du sabbat. Dt 5,12-15<\/p>\n<\/blockquote>\n\n\n\n
Souviens-toi que tu as \u00e9t\u00e9 esclave !
Viens au milieu, toi qui as \u00e9t\u00e9 esclave. Esclave de ton infirmit\u00e9 qui t\u2019a emp\u00each\u00e9 de travailler, de toucher, de porter, de serrer comme les autres le font. Esclave de tes pr\u00e9jug\u00e9s qui t\u2019isolent et te ferment dans tes certitudes. Dieu n\u2019a pas lib\u00e9r\u00e9 son peuple pour qu\u2019il devienne esclave autrement. Esclave d\u2019un travail qui ali\u00e8ne, d\u2019une id\u00e9ologie qui ronge ou d\u2019une religiosit\u00e9 d\u00e9sincarn\u00e9e et insens\u00e9e.<\/p>\n\n\n\nDieu a lib\u00e9r\u00e9 son peuple pour le rendre v\u00e9ritablement libre. Et qu\u2019il exerce sa libert\u00e9 en t\u00e9moignant en paroles et en actes du salut qui lui est offert.<\/p>\n\n\n\n
Un silence pour toute r\u00e9ponse<\/h2>\n\n\n\n
\u00c0 l\u2019homme \u00e0 la main paralys\u00e9e, J\u00e9sus dit : l\u00e8ve-toi, viens au milieu. Il l\u2019appelle \u00e0 se lever, \u00e0 se mettre en mouvement. Puis J\u00e9sus se tourne vers ceux qui regardent, qui observent, qui \u00e9pient. Et c\u2019est \u00e0 eux qu\u2019il pose une question, avec eux qu\u2019il entre en dialogue, ou tout au moins qu\u2019il tente de le faire. \u00abCe qui est permis le jour du sabbat, est-ce de faire le bien ou de faire le mal ? De sauver un \u00eatre vivant ou de le tuer ?\u00bb Pour toute r\u00e9ponse, les hommes se taisent.<\/p>\n\n\n\n
Le silence. Peut-\u00eatre se sont-ils sentis pi\u00e9g\u00e9s. \u00c0 cette question, il n\u2019y a aucune possibilit\u00e9 pour eux de donner une bonne r\u00e9ponse. S\u2019ils voulaient s\u2019en sortir, ils devraient argumenter que la question est biais\u00e9e, que la prescription ne porte pas sur faire le bien ou faire le mal mais sur FAIRE tout court. Mais dire tout cela, ce serait entrer en dialogue, en d\u00e9bat, en contradiction. Donc reconna\u00eetre \u00e0 J\u00e9sus le statut de vis-\u00e0-vis. D\u2019homme avec lequel on peut d\u00e9battre de th\u00e9ologie, donc le consid\u00e9rer comme une autorit\u00e9 religieuse. Et cela, ils veulent l\u2019\u00e9viter \u00e0 tout prix.<\/p>\n\n\n\n
Alors ils se taisent. Mais le silence n\u2019est pas neutre. Le silence n\u2019est pas rien. Le silence est une action. Le silence, c\u2019est le choix d\u2019une parole qui n\u2019est pas dite. Et de m\u00eame que tout homme, toute femme, est responsable de ses paroles et de ses actes. Nous sommes aussi responsables de nos silences. Ne pas parler, ne pas d\u00e9noncer, ne pas s\u2019offusquer\u2026 dans certaines situations, se taire c\u2019est approuver, c\u2019est autoriser, c\u2019est laisser dire et laisser faire. Le silence de ces hommes provoque en J\u00e9sus rien de moins que col\u00e8re et affliction. Des termes forts qui expriment l\u2019impuissance et l\u2019incompr\u00e9hension de J\u00e9sus face \u00e0 l\u2019endurcissement des c\u0153urs.<\/p>\n\n\n\n
Il invite alors l\u2019homme \u00e0 tendre la main. Ce jour-l\u00e0, dans la synagogue, un homme aura tendu sa main et celle-ci aura \u00e9t\u00e9 gu\u00e9rie, lib\u00e9r\u00e9e. Les autres seront repartis les poings serr\u00e9s, bouillonnant de haine et d\u2019esprit de vengeance.<\/p>\n\n\n\n
Et voici qu\u2019en quelques paroles, en quelques gestes, J\u00e9sus aura mis en lumi\u00e8re ce samedi l\u00e0 :
– la force \u00e9mancipatrice d\u2019une gu\u00e9rison, quand la dignit\u00e9 est rendue \u00e0 un homme et qu\u2019il peut sortir de l\u2019ombre pour vivre au milieu de ses semblables
– la puissance lib\u00e9ratrice de Dieu qui fait don de ses lois et de sa gr\u00e2ce
– et le courage du Christ qui assumera jusqu\u2019au bout les cons\u00e9quences de son refus de se terrer dans le silence.<\/p>\n\n\n\nL\u00e8ve-toi et viens au milieu !
Dieu te lib\u00e8re de tes servitudes, de tes peurs et de tes silences.
Il te tend la main et te restaure.
Amen<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"