Par Yvan Bourquin<\/p>\n\n\n\n
\nSix jours avant la P\u00e2que, J\u00e9sus vint \u00e0 B\u00e9thanie, o\u00f9 \u00e9tait Lazare qu’il avait r\u00e9veill\u00e9 d’entre les morts. L\u00e0, on donna un d\u00eener pour lui ; Marthe servait, et Lazare \u00e9tait l’un de ceux qui \u00e9taient \u00e0 table avec lui.<\/p>\n\n\n\n
Marie, donc, prit une livre d’un parfum de nard pur de grand prix, en r\u00e9pandit sur les pieds de J\u00e9sus et lui essuya les pieds avec ses cheveux ; la maison fut remplie de l’odeur du parfum. Un de ses disciples, Judas Iscariote, celui qui allait le livrer, dit alors : Pourquoi n’a-t-on pas vendu ce parfum trois cents deniers pour les donner aux pauvres ? Il disait cela, non parce qu’il avait le souci des pauvres, mais parce qu’il \u00e9tait voleur et que, tenant la bourse, il prenait ce qu’on y mettait. Mais J\u00e9sus dit : Laisse-la garder cela pour le jour de mon ensevelissement. Les pauvres, en effet, vous les avez toujours avec vous ; mais moi, vous ne m’avez pas toujours.<\/p>\nJean 12,1-11<\/cite><\/blockquote>\n\n\n\n
\nLorsque Marthe eut entendu dire que J\u00e9sus arrivait, elle vint au-devant de lui, tandis que Marie restait assise \u00e0 la maison. Marthe dit \u00e0 J\u00e9sus : Seigneur, si tu avais \u00e9t\u00e9 ici, mon fr\u00e8re ne serait pas mort ! Mais maintenant m\u00eame, je sais que tout ce que tu demanderas \u00e0 Dieu, Dieu te le donnera. J\u00e9sus lui dit : Ton fr\u00e8re se rel\u00e8vera. Je sais, lui r\u00e9pondit Marthe, qu’il se rel\u00e8vera \u00e0 la r\u00e9surrection, au dernier jour. J\u00e9sus lui dit : C’est moi qui suis la r\u00e9surrection et la vie. Celui qui met sa foi en moi, m\u00eame s’il meurt, vivra ; et quiconque vit et met sa foi en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? Elle lui dit : Oui, Seigneur, moi, je suis convaincue que c’est toi qui es le Christ, le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde.<\/p>\n\n\n\n
<\/p>\nJean 11,20-27<\/cite><\/blockquote>\n\n\n\n
OUI, Marie et Marthe, alors que nous disons plut\u00f4t Marthe et Marie, en ayant toujours en m\u00e9moire que Marie a choisi la bonne part\u2026 Mais cela, c\u2019est dans l\u2019\u00e9vangile de Luc. V\u00e9rifions comment Jean nous pr\u00e9sente ces deux s\u0153urs.<\/p>\n\n\n\n
Marie de B\u00e9thanie est une disciple de J\u00e9sus, qui par son geste os\u00e9 t\u00e9moigne au Ma\u00eetre son amour et sa reconnaissance. Elle tient ici le premier r\u00f4le, alors qu\u2019au chapitre pr\u00e9c\u00e9dent ce r\u00f4le \u00e9tait r\u00e9serv\u00e9 \u00e0 Marthe. Comme chez Marc et Matthieu, J\u00e9sus se fait l\u2019interpr\u00e8te du geste de Marie en le liant \u00e0 sa mort imminente.<\/p>\n\n\n\n
Le fait d\u2019oindre ses pieds, et non sa t\u00eate comme le voulait la coutume, est surprenant. La quantit\u00e9 de parfum utilis\u00e9e para\u00eet excessive, comme dans les autres r\u00e9cits. Enfin, il est inconvenant pour une femme de d\u00e9nouer ses cheveux en public pour essuyer les pieds d\u2019un h\u00f4te. Cela dit, comme le rel\u00e8ve Jean Zumstein dans son commentaire sur le quatri\u00e8me \u00e9vangile, \u00ab Marie oint les pieds de J\u00e9sus (v. 3) avant que J\u00e9sus ne lave ceux de ses disciples (13,2-11) \u00bb.<\/p>\n\n\n\n
Judas Iscariote tient ici le r\u00f4le de l\u2019opposant. Il se voit doublement discr\u00e9dit\u00e9. Tout d\u2019abord, son nom est clairement indiqu\u00e9, ce n\u2019est plus un groupe anonyme, et Judas est d\u00e9crit comme \u00ab l\u2019un de ses disciples, celui-l\u00e0 m\u00eame qui allait le livrer \u00bb. Tout semble avoir \u00e9t\u00e9 dit. Et pourtant, le r\u00e9cit insiste : c\u2019est un voleur, qui ne m\u00e9rite aucune confiance.<\/p>\n\n\n\n
Une opposition tr\u00e8s forte se dessine : si Marie incarne ici l\u2019amour de J\u00e9sus, Judas, pour sa part, incarne l\u2019amour de l\u2019argent.<\/p>\n\n\n\n
Deux autres personnages jouent un r\u00f4le important dans ce r\u00e9cit : Lazare et J\u00e9sus. Le d\u00e9but du r\u00e9cit pr\u00e9cise que J\u00e9sus avait relev\u00e9 Lazare d\u2019entre les morts. Son retour \u00e0 la vie est donc bien r\u00e9el, et sans doute est-ce pour c\u00e9l\u00e9brer cet \u00e9v\u00e9nement que les convives sont rassembl\u00e9s.<\/p>\n\n\n\n
A ce sujet, n\u2019oublions pas que le retour \u00e0 la vie de Lazare n\u2019a aucune commune mesure avec la R\u00e9surrection du Christ. Lazare devra mourir un jour, alors que J\u00e9sus entrera dans la vie de Dieu. N\u00e9anmoins, le fait d\u2019avoir rappel\u00e9 son ami d\u2019entre les morts va conduire J\u00e9sus vers la sienne, car les grands pr\u00eatres et les pharisiens l\u2019ont d\u00e9cid\u00e9 ainsi (Jean 11,46-53). Et dans notre passage, ils programment \u00e9galement la mort de Lazare, \u00ab puisque c\u2019\u00e9tait \u00e0 cause de lui qu\u2019un grand nombre de Juifs les quittaient et croyaient en J\u00e9sus \u00bb (Jean 12,11).<\/p>\n\n\n\n
Un d\u00e9tail \u00e9tablit symboliquement le contraste entre Lazare et J\u00e9sus : le cadavre du premier d\u00e9gageait une odeur putride, tandis que \u00ab J\u00e9sus, oint par Marie, diffuse une bonne odeur, une odeur de vie \u00bb (Jean Zumstein). Et l\u2019auteur de cette belle formule donne une pr\u00e9cision utile :<\/p>\n\n\n\n
\u00ab Ce rite d\u2019ensevelissement anticip\u00e9 ne vise pourtant pas \u00e0 masquer l\u2019odeur envahissante de la mort, mais \u00e0 signaler que cette mort, d\u00e9sormais in\u00e9luctable, a une bonne odeur de vie \u00bb.<\/p>\n\n\n\n
Le r\u00e9cit de Jean insiste sur l\u2019inattendu. Le geste de Marie est inimaginable, inconvenant, hors de propos. Et pourtant c\u2019est ce geste qui permet \u00e0 J\u00e9sus d\u2019attirer l\u2019attention sur l\u2019enjeu v\u00e9ritable : sa mort imminente. Ce qui paraissait hors de propos se r\u00e9v\u00e8le en fait au centre de la r\u00e9alit\u00e9 v\u00e9cue. L\u2019exc\u00e8s, l\u2019extravagance attire une r\u00e9probation imm\u00e9diate, mais finalement injustifi\u00e9e. J\u00e9sus accepte l\u2019inimaginable et lui donne sens. La semaine qu\u2019il doit vivre est aussi marqu\u00e9e par un exc\u00e8s \u2013 celui du mal qui veut sa mort. Judas n\u2019appr\u00e9cie pas la bonne odeur, l\u2019odeur de vie. Les grands pr\u00eatres non plus.<\/p>\n\n\n\n
L\u2019inattendu de Dieu avait d\u00e9j\u00e0 surpris Marthe, la s\u0153ur de Marie, au chapitre pr\u00e9c\u00e9dent. Un J\u00e9sus qui tarde, un J\u00e9sus absent. Lazare a le temps de mourir.<\/p>\n\n\n\n
Quand Marthe rencontre J\u00e9sus, elle est tourn\u00e9e vers le pass\u00e9 : \u00ab Seigneur, si tu avais \u00e9t\u00e9 ici, mon fr\u00e8re ne serait pas mort. \u00bb Alors J\u00e9sus \u00e9voque le retour \u00e0 la vie de Lazare. Du coup, Marthe se tourne avec d\u00e9pit vers ce lointain avenir (celui de la r\u00e9surrection, au dernier jour). Avec d\u00e9pit, car c\u2019est une r\u00e9alit\u00e9 lointaine. Et sa peine est immense, elle a envahi tout son pr\u00e9sent. J\u00e9sus va donc recentrer son attention sur le pr\u00e9sent : \u00ab C\u2019est moi qui suis la r\u00e9surrection et la vie. \u00bb Alors c\u2019est la foi de Marthe qui ressuscite, qui reprend vie. M\u00eame si une r\u00e9surrection qui se d\u00e9cline dans le pr\u00e9sent d\u00e9passe l\u2019imagination.<\/p>\n\n\n\n
\u00ab Quand le Christ s\u2019\u00e9tablit au c\u0153ur m\u00eame d\u2019une situation, il am\u00e8ne avec lui la Puissance de la R\u00e9surrection. Dans son essence m\u00eame, la r\u00e9surrection est inattendue, impr\u00e9visible, surprenante. Nous ne sommes pas ma\u00eetres de la forme qu\u2019elle prendra, ni du temps o\u00f9 elle se manifestera. Il arrive que nous ne la reconnaissions pas parce que nous attendions autre chose, et nous continuons \u00e0 attendre, alors qu\u2019elle est d\u00e9j\u00e0 l\u00e0. Il s\u2019agit ici de la r\u00e9surrection dans notre quotidien \u00bb (Simone Pacot).<\/p>\n\n\n\n
Marthe est saisie par une parole incroyable, tout comme sa s\u0153ur Marie accomplira un geste inimaginable. C\u2019est ainsi que se pr\u00e9sente l\u2019inattendu de Dieu.<\/p>\n\n\n\n
J\u2019ai commenc\u00e9 par \u00e9voquer Marie, puis Marthe en deuxi\u00e8me position. En fait, ce qui peut nous frapper, Marie pr\u00e9pare la mort<\/em> de J\u00e9sus, tandis que Marthe vit une r\u00e9surrection<\/em> dans son \u00eatre intime. Et nous, o\u00f9 en sommes-nous ? Faisons-nous, comme Marthe, l\u2019exp\u00e9rience de la r\u00e9surrection dans notre quotidien ? La r\u00e9ponse appartient \u00e0 chacune, chacun d\u2019entre nous.<\/p>\n\n\n\n
Pri\u00e8re d\u2019intercession <\/strong>(Dag Hammarskj\u00f6ld ,1905-1961)
<\/strong>Toi qui es au-dessus de nous,<\/p>\n\n\n\nToi qui es l\u2019un de nous,<\/p>\n\n\n\n
Toi qui es\u2026 aussi en nous,<\/p>\n\n\n\n
Fais que tout le monde te voie aussi\u2026En moi,<\/p>\n\n\n\n
Que je te pr\u00e9pare le chemin,<\/p>\n\n\n\n
Qu\u2019alors je te remercie de tout ce qui m\u2019arrive,<\/p>\n\n\n\n
Qu\u2019alors je n\u2019oublie pas la mis\u00e8re des autres.<\/p>\n\n\n\n
Garde-moi dans ton amour,<\/p>\n\n\n\n
Comme tu veux que tous les autres<\/p>\n\n\n\n
Demeurent dans le mien.<\/p>\n\n\n\n
Que tout ce qui fait partie de mon \u00eatre te glorifie,<\/p>\n\n\n\n
Et que je ne d\u00e9sesp\u00e8re jamais,<\/p>\n\n\n\n
Car je suis dans ta main<\/p>\n\n\n\n
Et en toi sont toute force et toute bont\u00e9<\/p>\n\n\n\n
Donne-moi un c\u0153ur pur\u2026 afin que je te voie,<\/p>\n\n\n\n
Un esprit humble\u2026 afin que je t\u2019entende,<\/p>\n\n\n\n
L\u2019esprit de l\u2019amour\u2026 afin que je te serve, \u00a8<\/p>\n\n\n\n
L\u2019esprit de la foi\u2026 afin que je demeure en toi. <\/strong><\/p>\n\n\n\n
Amen<\/p>\n\n\n\n
B\u00e9n\u00e9diction <\/strong><\/p>\n\n\n\n
Sur nos chemins escarp\u00e9s et sur nos grandes routes<\/p>\n\n\n\n
Dans nos maisons et au c\u0153ur du monde<\/p>\n\n\n\n
Parmi nos fr\u00e8res ou au milieu d\u2019inconnus<\/p>\n\n\n\n
O\u00f9 que nous soyons, Dieu est l\u00e0.<\/p>\n\n\n\n
O\u00f9 que nous soyons, Il nous accompagne<\/p>\n\n\n\n
Il nous aime et garde nos pas<\/p>\n\n\n\n
Allons en paix.<\/p>\n\n\n\n
Amen<\/p>\n\n\n\n
Image : Photo de couverture du livre d’Yvan Bourquin, \u00ab\u00a0L’Inattendu de Dieu, Sc\u00e8nes impr\u00e9visibles dans l’Evangile de Marc\u00a0\u00bb, Ed. Cab\u00e9dita, 2015.
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