\u00ab Christ est mort pour nous \u00bb dira Paul. Nous avons souvent compris cette \u0153uvre supr\u00eame comme si J\u00e9sus \u00e9tait mort \u00e0 notre place, c\u2019est-\u00e0-dire qu\u2019il subissait le ch\u00e2timent du P\u00e8re \u00e0 notre place pour nos fautes. Cette interpr\u00e9tation n\u2019est en fait pas vraiment biblique, mais date du 2\u00e8 si\u00e8cle apr\u00e8s J\u00e9sus-Christ. C\u2019est Ignace d\u2019Antioche qui l\u2019initie en vue de rapprocher la religion chr\u00e9tienne de la religion romaine o\u00f9 l\u2019on sacrifie pour apaiser les dieux et gagner leur bienveillance. Cela laisserait entendre que J\u00e9sus subirait la punition d\u2019un Dieu vengeur. Cette interpr\u00e9tation a eu beaucoup de succ\u00e8s dans les si\u00e8cles qui ont suivi et nous influence encore aujourd\u2019hui.<\/p>\n\n\n\n
Cette compr\u00e9hension est perverse car au lieu de faire de la souffrance quelque chose d\u2019horrible, qui d\u00e9shumanise, elle en fait quelque chose qui sauve. L\u2019imitation du Christ devient participation \u00e0 sa souffrance plus qu\u2019un combat contre la souffrance et les injustices.<\/p>\n\n\n\n
Le christianisme bascule alors dans le dolorisme. Souvent nous pensons devoir nous sacrifier pour les autres ; nous avons un sentiment de culpabilit\u00e9 face \u00e0 notre propre bonheur, nous nous donnons \u00e0 notre travail jusqu\u2019au burn out<\/em>, nous avons mauvaise conscience de prendre du bon temps. Mais ce n\u2019est pas la souffrance qui, par elle-m\u00eame sauve, c\u2019est la communion au Christ aimant.<\/p>\n\n\n\n La mort de J\u00e9sus marque la fin des sacrifices. Elle lib\u00e8re l\u2019humanit\u00e9 de tout ce qui l\u2019emp\u00eachait de d\u00e9couvrir et de vivre l\u2019amour de Dieu. Pour preuve, le voile du temple est d\u00e9chir\u00e9. Ce d\u00e9chirement du voile ouvre le sanctuaire et abolit la s\u00e9paration entre le Dieu saint et les hommes p\u00e9cheurs. Dieu n\u2019est plus \u00e0 chercher ailleurs que dans le Fils qui meurt sur la croix.<\/p>\n\n\n\n Dans le juda\u00efsme, la premi\u00e8re chose \u00e0 faire devant le d\u00e9c\u00e8s d\u2019un proche est de d\u00e9chirer un bout de son v\u00eatement. C\u2019est une fa\u00e7on de repr\u00e9senter ext\u00e9rieurement ce qu\u2019il se passe int\u00e9rieurement. La d\u00e9chirure du voile marque le deuil de Dieu devant la mort de son Fils, qui est comme une partie de lui-m\u00eame.<\/p>\n\n\n\n La d\u00e9chirure du rideau symbolise aussi la fin d\u2019un syst\u00e8me religieux fond\u00e9 sur la s\u00e9paration entre le pur et l\u2019impur, entre Juifs et non-juifs. Le centurion romain, un non-juif, est le premier \u00e0 discerner, dans celui qui est abandonn\u00e9 de Dieu, le Fils de Dieu. Et nous, que percevons-nous ?<\/p>\n\n\n\n J\u00e9sus est mort par amour. C\u2019est pourquoi il faut distinguer \u00ab mourir pour nous \u00bb et mourir \u00ab \u00e0 notre place \u00bb. Paul ne dit jamais que J\u00e9sus est mort \u00e0 notre place (anti hem\u00f4n), mais qu\u2019il est mort pour nous (huper hem\u00f4n). En effet, si nous affirmons que J\u00e9sus est mort \u00e0 notre place, nous laissons entendre que Dieu avait besoin de sang, pour accepter de nous pardonner ; cela fait donc de Dieu un sadique, qui a maltrait\u00e9 son propre fils. Quelle image ignoble de Dieu ! J\u00e9sus avait pourtant dit \u00e0 ses disciples : \u00ab Je d\u00e9sire la bont\u00e9 et non les sacrifices \u00bb (Matthieu 9,13)<\/p>\n\n\n\n A l\u2019inverse, si nous affirmons que J\u00e9sus est mort \u00ab pour nous \u00bb, nous affirmons l\u2019unit\u00e9 entre le P\u00e8re et le Fils, le Fils choisissant d\u2019offrir sa vie par amour, pour le salut du monde. L\u2019image que nous retenons de Dieu est alors toute autre : il est tout Amour. Il a donn\u00e9<\/em><\/strong> sa vie pour que nous comprenions la dimension de son Amour : \u00ab Il n\u2019y a pas de plus grand Amour que de donner sa vie pour ceux qu\u2019on aime \u00bb (Jean 15,13) dit J\u00e9sus. Ainsi, J\u00e9sus est le r\u00e9v\u00e9lateur de Dieu.<\/p>\n\n\n\n Le crit\u00e8re principal que nous pouvons nous donner face au sens de la mort de J\u00e9sus est : quelle image est-ce que ma compr\u00e9hension de la mort de J\u00e9sus me donne du P\u00e8re ? Et quel r\u00f4le a le fils ? Si le P\u00e8re est maltraitant, si le Fils est sa victime, c\u2019est que nous avons d\u00e9natur\u00e9 l\u2019\u0153uvre du Christ. Si le P\u00e8re est aimant envers le Fils et que le Fils est aimant envers nous, alors nous avons, je le crois, une bonne compr\u00e9hension de cette \u0153uvre d\u2019Amour.<\/p>\n\n\n\n C\u2019est l\u2019image que nous avons de Dieu qui change tout et c\u2019est le lien entre Dieu est J\u00e9sus qui est d\u00e9terminant. Si nous pr\u00e9sentons l\u2019\u0153uvre de J\u00e9sus comme un acte ignoble de la part du P\u00e8re, c\u2019est qu\u2019il y a une erreur quelque part. Si, par contre le lien entre le P\u00e8re et le Fils est un lien d\u2019amour, d\u2019unit\u00e9 et que cette unit\u00e9 n\u2019est pas rompue au travers de cette mort pourtant terrible, alors nous percevons, je crois, avec justesse l\u2019\u0153uvre accomplie \u00e0 la Croix. Car J\u00e9sus est venu r\u00e9v\u00e9ler aux humains une nouvelle image de Dieu ; c\u2019est l\u00e0 le d\u00e9fi de notre compr\u00e9hension de la Croix. La compr\u00e9hension sacrificielle fait, \u00e0 l\u2019inverse, allusion \u00e0 une conception ancienne et, en J\u00e9sus, r\u00e9volue de Dieu.<\/p>\n\n\n\n Ouvrons-nous donc \u00e0 la nouveaut\u00e9\u00a0: J\u00e9sus, agneau de Dieu, plein d\u2019amour et de bienveillance, avance vers la mort pour nous. Sa vie, personne ne la lui prend, il la donne par choix.<\/p>\n\n\n\n <\/p>\n\n\n\n <\/p>\n\n\n\n <\/p>\n\n\n\n <\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"