Qui ne conna\u00eet pas le \u00ab\u00a0Journal d\u2019Anne Frank\u00a0\u00bb\u00a0? Et pourtant, il y a d\u2019autres \u0153uvres litt\u00e9raires qui ont pour th\u00e8me le confinement. La pi\u00e8ce radiophonique de G\u00fcnter Eich, \u00ab\u00a0Les Jeunes Filles de Viterbo\u00a0\u00bb, parue en 1958, en est un autre exemple.<\/p>\n
Dans un appartement de Berlin, \u00e0 la Prinzregentenstrasse, en octobre 1943, vivent cach\u00e9s depuis 3 ans dans une pi\u00e8ce aux fen\u00eatres obscurcies deux personnes pourchass\u00e9es par la Gestapo, Robert Israel Goldschmidt, 70 ans, et sa petite-fille Gabriele Sarah Goldschmidt, 17 ans. Tous deux vivent le confinement dans le regret et l\u2019inqui\u00e9tude, d\u00e9pendant du bon vouloir de leur logeuse pour la nourriture et pour les informations, craignant autant les bombardements que la perspective d\u2019\u00eatre d\u00e9couverts.<\/p>\n
L\u00e0-aussi, \u00ab\u00a0sortir\u00a0\u00bb signifie aller au-devant de dangers, au p\u00e9ril de sa vie.<\/p>\n
Comment passer le temps, si long\u00a0? Comment se rappeler les jours de la semaine, les dates, quand chaque jour ressemble au pr\u00e9c\u00e9dent\u00a0? Comment se supporter l\u2019un l\u2019autre quand on est en permanence ensemble dans un endroit exigu\u00a0? Gabriele a d\u00e9couvert dans la chambre une coupure de journal dont l\u2019un des articles incomplet relate un fait divers\u00a0: l\u2019excursion d\u2019une classe d\u2019une \u00e9cole de jeunes filles de Viterbo accompagn\u00e9es de leur professeur dans les catacombes de Rome. La classe s\u2019est perdue dans ce d\u00e9dale de couloirs et de tunnels et ne retrouve plus la sortie. La fin de ![\"\"](\"https:\/\/www.eren.ch\/barc\/wp-content\/uploads\/sites\/4\/2020\/04\/Labyrinthe-300x202.png\")
l\u2019article manque, d\u00e9chir\u00e9, et Gabriele confin\u00e9e \u00e0 Berlin se met \u00e0 imaginer un ou plusieurs sc\u00e9narios possibles pour terminer l\u2019histoire. Un premier est que le copain d\u2019une des \u00e9l\u00e8ves la recherche avec tout son amour et la retrouve, \u00a0elle et toutes les autres, un happy-end, une super love story. Le grand-p\u00e8re trouve cette issue trop kitch. Une autre fin est que les \u00e9l\u00e8ves se s\u00e9parent et vont chacune de leur c\u00f4t\u00e9 pour trouver une issue. Certaines y arriveront, d\u2019autres \u00e9choueront. Aucune solidarit\u00e9, chacun pour soi. Goldschmidt rejette aussi cette fin. Une troisi\u00e8me issue consiste \u00e0 accepter la situation, non pas passivement, non pas une r\u00e9signation, mais pour Gabriele reconna\u00eetre comme sienne son identit\u00e9 de Juive pourchass\u00e9e par les nazis. C\u2019est cette r\u00e9ponse que Gabriele et son grand-p\u00e8re choisissent, et au moment de leur arrestation, ils seront pr\u00eats et pourront regarder leurs bourreaux en sachant qui ils sont.<\/p>\n
Certes, les jeunes filles de Viterbo sont en danger dans l\u2019obscurit\u00e9 de leur confinement, prisonni\u00e8res des catacombes, alors que Gabriele et son grand-p\u00e8re sont en danger quand ils sortent de chez eux \u00e0 la lumi\u00e8re du jour. Qu\u2019\u00e0 cela ne tienne\u00a0! L\u2019histoire en miroir permet d\u2019avancer dans la compr\u00e9hension de soi et des autres.<\/p>\n
Nous-aussi vivons des situations peut-\u00eatre difficiles, mais en ce qui me concerne bien moins tragiques. Il est bon de se rappeler ce qu\u2019est l\u2019Homme, une cr\u00e9ature intelligente certes, mais avec ses limites, celles de sa finitude. La transcendance appartient \u00e0 Dieu. \u00a0Nous qui aimons tout organiser selon notre bon-vouloir, nous sommes bien remis en place\u00a0! Je souhaite que chacun de vous reste en bonne sant\u00e9 et qu\u2019il garde le moral en se regardant dans le miroir.<\/p>\n
A.F. \/ 28.04.2020<\/p>\n
P.S. Je n\u2019ai pas trouv\u00e9 les \u0153uvres de G\u00fcnter Eich traduites en fran\u00e7ais. En allemand, le livre est disponible dans toutes les librairies et online. Une version audio gratuite est disponible sur Youtube.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"