Comment mettre fin au désir de vengeance ?

Cette photo pour dire un grand merci à tous ceux et celles qui sont venus ce matin vivre un temps de culte tous ensemble et prier pour la paix : la paix dans nos cœurs, dans nos maisons, dans nos familles, mais aussi dans les pays en guerre. Merci pour les réflexions que vous avez partagées, pour les prières que vous avez rédigées, pour les bougies que vous avez allumées…

C’est un dimanche particulier qui fait suite à une déclaration de guerre entre deux pays, entre deux religions, sur des terres qui, pour les chrétiens, ont beaucoup de valeur. C’est quand même là que Jésus est venu ! C’est une région qui est au cœur de l’Islam, du Judaïsme et du Christianisme.

En étant de nouveau confrontée à une situation de guerre horrible telle qu’on l’a vécu il n’y a pas longtemps avec l’Ukraine et la Russie ou dans d’autres régions du monde, j’avais envie de réfléchir avec vous sur le désir de vengeance dans lequel on patauge probablement tous, que ce soit avec notre patron, notre voisin, notre sœur, notre conjoint… Est-ce que c’est juste ? Ou est-ce qu’il y a des chanceux parmi vous qui n’ont jamais ressenti de besoin de représailles ? Ce qui se passe en Israël peut nous paraître loin, mais en tant qu’être humain, nous connaissons assurément tous le désir de vengeance !

J’avais envie, ce dimanche qu’on soit en lien avec les peuples israélien et palestinien, qu’on puisse prier tous ensemble pour ce qui se passe en ce moment sur les terres israélo-palestiniennes, mais aussi pour tous les peuples en guerre et, plus largement, pour tous ceux et celles qui vivent un conflit majeur et qui ressentent peut-être des pulsions de mort. C’est une pulsion humaine d’avoir envie de détruire l’autre, parce qu’il nous a agressé, blessé, humilié, abusé, outragé…

Je veux m’intéresser aujourd’hui à ce qu’on fait de cette pulsion. Je vais vous inviter à nous intéresser à ce que Jésus nous dit par rapport à celle pulsion de vengeance, de représailles, afin de voir ce que ça nous dit, comment nous pouvons l’intégrer. Et là, j’aurai besoin de vous. Je ne vais pas vous apporter toutes les réponses, mais chacun de vous pourra contribuer à donner des pistes de réponses ; je vais vous proposer de nous raconter comment vous avez été inspirés pour vivre ce que Jésus nous propose de ce point de vue-là. Qu’est-ce qui s’est passé pour que, des fois, vous n’ayez pas rendu, vous n’ayez pas été jusqu’au bout de vos envies de représailles ?

C’est important de se réunir pour prier pour les peuples israéliens et palestinien, mais si chacun de nous pouvions mieux faire face à nos propres conflits, quelque part, on ferait avancer la paix dans le monde. Nous ne sommes donc pas là que pour prier pour d’autres gens, car nous aussi nous sommes comme des bombes à retardement, enfermés dans nos propres conflits, dans notre propre envie de rendre justice, ou de rétribuer l’autre pour le mal qu’il nous a fait.

Alors je vous invite à vous mettre à l’écoute d’un texte crucial de la Bible :

Vous avez appris qu’il a été dit : œil pour œil, et dent pour dent.
Mais moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l’autre.
Si quelqu’un veut plaider contre toi, et prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau.
Si quelqu’un te force à faire un mille, fais-en deux avec lui.
Donne à celui qui te demande, et ne te détourne pas de celui qui veut emprunter de toi.
Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi.
Mais moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, [bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent,] et priez pour ceux [qui vous maltraitent et] qui vous persécutent,
afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes.
Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les publicains n’agissent-ils pas de même ?
Et si vous saluez seulement vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens n’agissent-ils pas de même ?

Matthieu 5,38-47

Comment vivez-vous ce texte ?

Je me souviens d’un ami qui était dans une profonde recherche spirituelle et qui découvrait avec grand intérêt le christianisme. En lisant ce texte, il m’avait dit : « Je veux bien aimer mon prochain, mais aimer mon ennemi, alors ça, non ! »

Ces paroles de Jésus nous confrontent à nos limites.

Mais l’enjeu est : comment faire lorsque nous sommes pris dans le cercle infernal de la violence qui n’en finit pas de s’autoalimenter ? Par ses paroles, Jésus appelle à résister à notre désir de vengeance. Quel en est la clef : c’est l’amour. L’amour inconditionnel, l’amour qui regarde au-delà de l’offense, l’amour qui croit en l’autre, qui espère en la capacité de l’un comme de l’autre de trouver un chemin vers la paix.

Avant la venue de Jésus, le peuple juif ne connaissait que la loi du talion qui disait : « œil pour œil, dent pour dent ». Il s’agissait d’une justice rétributive : chacun était puni en proportion du mal qu’il avait fait. Cette sentence figurait non seulement dans le livre de l’Exode au chapitre 21, mais aussi dans le texte juridique babylonien appelé le Code d’Hammurabi. Le principe de cet axiome était probablement autrefois de s’assurer que la punition ne dépasse pas le crime.

Est-ce que, dans ce conflit israélo-palestinien, vous avez l’impression que le principe de proportionnalité est respecté ? Comment est-ce qu’on le mesure ? Est-ce qu’on pèse la douleur ? L’injustice ? Si je demandais à chacun de vous si la réponse d’Israël à ce qu’a fait le Hamas est proportionnée, je pense bien qu’on y aurait beaucoup de réponses assez différentes.

La justice rétributive se révèle, à mes yeux, impuissante de mettre fin à l’enchaînement de la vengeance où l’on rend le mal pour le mal. Vous savez comment ça se passe entre deux enfants : « Tu m’as pris mon jouet, je te prends ton jouet » ; sauf que, vous l’aurez observé, le conflit ne s’arrête pas là, car l’enfant ne se dit pas « ah oui, tu as eu raison de me prendre mon jouet, car je t’avais pris le tien. Tu as fait justice, on en reste là ». Non, chacun rétorque à son tour et on n’en finit pas. La rage et la colère s’emparent des protagonistes et les amènent à taper toujours plus fort. C’est le cas dans des conflits entre enfants, mais aussi entre adultes, entre voisins, entre collègues, comme entre gouvernements. La dynamique est la même. La vraie question est : comment mettre fin au besoin de vengeance ?

Je vous invite maintenant à échanger avec votre voisin sur une situation de votre vie où vous avez ressenti un besoin de représailles ou de rétribution du mal et où vous avez pu le transformer autrement. Est-ce que vous arrivez à identifier ce qui vous a permis de faire le pas de côté et de ne pas céder à la vengeance, le but étant de dégager quelques pistes pour nous inspirer des ressources des uns et des autres, pour nous enrichir de ce que chacun de nous a vécu, pour traverser ces moments différemment. Une précision : ne racontez pas vos conflits, mais racontez comment vous avez pu sortir d’un désir de représailles, comment vous avez pu l’éteindre et faire la paix. But : sélectionner une ressource par petit groupe.

Comment interrompre la chaîne de la violence ? Quelles pistes avez-vous ?

Parfois, nous avons de la peine à baisser les armes, car nous aimerions faire justice. Mais ce que nous ne percevons pas toujours, c’est que ce n’est pas à nous de rétablir la justice, mais à Dieu. Pourquoi cela ? Pour deux raisons :

  1. D’une part parce que, si nous cherchons à rétablir la justice nous-mêmes, nous allons entrer dans le cercle infini de la vengeance et de la violence, par des mots ou par des gestes.
  2. D’autre part, parce que rétablir la justice nécessiterait de remonter le fil de ce qu’il s’est passé en recherchant qui a commencé. Qui a donné le premier coup. Sauf qu’on ne peut pas exclure que celui qui a donné le premier coup l’ait fait parce que l’autre l’avait provoqué. Et on ne peut pas exclure que celui qui a provoqué l’autre l’ait fait par vengeance par rapport à un conflit précédent non résolu. Bref, il est très difficile de remonter aux origines d’un conflit, car beaucoup d’éléments nous échappent. Quand on croit qu’on détient la vérité sur qui a commencé, on oublie combien notre perception est subjective.

Un seul connaît le fond des choses, dans le cœur de chaque être humain : c’est Dieu. C’est pour cela que nous devrions toujours laisser Dieu rendre justice, sans quoi nous risquons d’être injustes et de provoquer à notre tour un sentiment d’injustice, cause de nouvelles vengeances et de nouvelles violences.

Lorsqu’on nous fait du mal, notre premier réflexe devrait être de nous tourner vers Dieu pour lui confier notre douleur émotionnelle, physique. L’avoir comme premier confident, qui nous comprend, qui nous aime ; lui confier la situation qui nous touche, lui demander la paix et qu’il nous inspire sur notre manière de réagir.

Tendre l’autre joue peut nous sembler naïf et a pu donner lieu à des situations d’abus, la victime laissant libre cours à son abuseur. Ce n’est bien sûr pas à cela que Jésus nous invite. Jamais Jésus n’encourage à accepter de se laisser maltraiter.

Mais quand je tends la joue, qu’est-ce qui se passe exactement ? Je tends aussi l’oreille… pour écouter l’autre, et écouter Dieu. Et si Jésus nous encourageait en fait à mieux nous entendre ? Elle est marrante cette expression ! Quand on dit de deux personnes qu’elles s’entendent bien, on indique non seulement qu’elles ont une amitié, mais aussi qu’elles se comprennent bien, qu’elles sont d’accord ! En tendant l’autre joue, cherchons donc à bien nous entendre !

Jésus vient abolir la logique de rétribution, mais aussi le principe de proportionnalité pour nous donner la seule véritable clef ouvrant la voie de la paix : l’amour. Pour cela, nous avons besoin de confier à Dieu notre colère, notre haine, notre douleur, et de le laisser travailler notre cœur, nos pensées, nos émotions et soudain, nous aurons peut-être une piste pour trouver comment agir.

Amen