Des rois s’approchèrent…

Dieu se dit à l’homme en attente et en tout homme qui se lève.
Dieu se dit à tous les hommes qui se cherchent et en tout homme qui espère.
Epiphanie, la rencontre de Dieu.

Epiphanie, Dieu se risque aux frontières, celles des races, des cultures et des langues, pour vivre avec les hommes, tous les hommes une terre de partage, d’amour et de tendresse.
Epiphanie, l’aujourd’hui de Dieu.

Aujourd’hui les mages viennent à Bethléem.
Avec eux, Seigneur, nous venons te rendre hommage.
Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus.

Aujourd’hui, l’étoile les conduit à la crèche. Avec eux Seigneur nous voulons nous laisser conduire par ta lumière.

Les mages trouvent le petit enfant et Marie sa mère. Avec eux Seigneur, nous voulons te découvrir au milieu de nos frères.

Aujourd’hui, ils se prosternent devant toi et t’adorent.
Avec eux, nous voulons adorer ta volonté pour nous.

Ils t’offrent leurs présents. Avec eux, Seigneur, nous voulons t’offrir en présent notre propre vie. Gloire et louange à toi Seigneur Jésus.
Amen.

Jésus était né à Bethléhem en Judée, sous le règne du roi Hérode. Or, des mages venant de l’Orient arrivèrent à Jérusalem. Ils demandaient : Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu se lever son étoile, et nous sommes venus lui rendre hommage.

Quand le roi Hérode apprit la nouvelle, il en fut profondément troublé, et tout Jérusalem avec lui.Il convoqua tous les chefs des prêtres et les spécialistes de la Loi que comptait son peuple et il leur demanda où devait naître le Messie.

– A Bethléhem en Judée, lui répondirent-ils, car voici ce que le prophète a écrit :

Et toi, Bethléhem, village de Juda,
tu n’es certes pas le plus insignifiant
des chefs-lieux de Juda,
car c’est de toi que sortira le chef
qui, comme un berger, conduira Israël mon peuple.

Là-dessus, Hérode fit appeler secrètement les mages et se fit préciser à quel moment l’étoile leur était apparue. Puis il les envoya à Bethléhem en disant : Allez là-bas et renseignez-vous avec précision sur cet enfant ; puis, quand vous l’aurez trouvé, venez me le faire savoir, pour que j’aille, moi aussi, lui rendre hommage.

Quand le roi leur eut donné ces instructions, les mages se mirent en route. Et voici : l’étoile qu’ils avaient vue se lever les précédait. Elle parvint au-dessus de l’endroit où se trouvait le petit enfant. Et là, elle s’arrêta. En revoyant l’étoile, les mages furent remplis de joie. Ils entrèrent dans la maison, virent l’enfant avec Marie, sa mère et, tombant à genoux, ils lui rendirent hommage. Puis ils ouvrirent leurs coffrets et lui offrirent en cadeau de l’or, de l’encens et de la myrrhe.

Cependant, Dieu les avertit par un rêve de ne pas retourner auprès d’Hérode. Ils regagnèrent donc leur pays par un autre chemin.

Evangile de Matthieu

Voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem.
C’est tout ce que nous dit l’évangéliste Matthieu:
Il ne nous dit pas combien ils étaient, ni s’ils étaient rois, ni quels étaient leurs noms ou leurs races… Tout cela viendra plus tard, dans les légendes qui viendront décorer les mages dans nos crèches et dans nos fêtes de Noël. Des mages, simplement !

Que se cache-t-il derrière ce titre mystérieux ?
Des prêtres perses ? Des détenteurs de pouvoirs surnaturels? Des magiciens? Des astrologues? Le mystère est garanti : l’Evangile est très sobre : des mages venus d’Orient.
Ce qui est sûr, c’est qu’ils viennent donc d’ailleurs : ils ne font pas partie d’Israël, ni par leur race, ni par leur foi.
En racontant cette histoire, l’évangéliste Matthieu se fait provocateur :
Les premiers adorateurs de Jésus ne sont pas ceux qui attendent le messie depuis des siècles, ne sont pas ceux qui scrutent la loi jour et nuit, ne sont pas ceux qui récitent tous les psaumes par cœur.
Les premiers adorateurs de Jésus sont des gens du dehors, aux croyances peu sûres, des êtres branchés sur les étoiles plus que sur la parole de Dieu.
Matthieu nous le rappelle dès le début : l’accès à Jésus ne nous appartient pas et il ne saurait être interdit à des gens que nous considérerions comme peu recommandables.
Jésus est accessible à tous, jusqu’aux extrémités de la terre et jusqu’à la fin des temps.
Accueillons sans réticence tous ceux qui, de l’Orient ou de l’Occident, du Nord ou du Sud, reconnaissent en Jésus de Nazareth quelqu’un qui les marque. Quelle que soit leur manière de s’exprimer, c’est avec eux que nous pouvons partager “notre” Jésus et dire “notre” Père.

Mais que disons-nous lorsque nous disons « notre »?
– notre, à nous, rien qu’à nous, et pas à vous, un “notre” possessif, exclusif, cause de guerres, de croisades, d’intolérance ?

– notre, à nous, à nous tous, à vous comme à moi, un notre dépossédé, parce que Jésus ne nous appartient pas, Dieu ne nous appartient pas, aucun être ne nous appartient ?

D’emblée, l’évangéliste Matthieu annonce la couleur : Jésus est pour nous, pour nous tous.

C’est vrai, l’Evangile commence par une belle histoire, par une extension inouïe de l’amour de Dieu à la terre entière, par une ouverture universelle, sans laquelle nous ne serions pas ici ce matin : la communauté chrétienne n’est pas restée un mouvement, voire une secte dans le judaïsme, mais elle est devenue l’assemblée de tous ceux qui reconnaissent en Jésus le signe de l’amour de Dieu.

On pourrait s’arrêter là, dire Amen, et se réjouir. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Voici qu’elle bascule dans le drame. Les réjouissances se brisent sur la réalité d’un Hérode. Une fois de plus, l’Evangile n’est pas un conte de fées : il s’inscrit dans les soubresauts de l’histoire des hommes. Il est présent partout où s’affrontent les pouvoirs.

Hérode sent son pouvoir menacé par la naissance d’un enfant. Face à l’acte le plus simple d’amour, la naissance d’un enfant, son royaume vacille.

Mais il faut sauver les apparences : on réunit les experts, on convoque le parlement, et le mensonge se dessine : Avertissez-moi, quand vous l’aurez trouvé, que j’aille moi aussi l’adorer.

C’est ça le monde : de belles paroles ! des discours corrects ! Par derrière, on s’étripe, on vend des armes, on fait des bénéfices et par devant, on fait des actions humanitaires, et encore et toujours de belles paroles…

Pendant ce temps, ne lâchons pas le petit peuple qui souffre, mais prions sans relâche pour les gens qu’on fait mourir à petit feu, de froid, de haine et de désespérance. Prions pour tous ceux qui sont sans défense comme un enfant qui vient de naître et qu’on humilie.

Dieu ne se laisse pas prendre par les discours, par les mots des protocoles, par les belles paroles des puissants : il est là, dans la personne de ceux qui sont livrés à la merci des autres, à notre merci. Ce vieux mot de merci, au féminin, “la” merci nous rappelle que l’humain est toujours à la merci d’un tyran ou d’un sauveur. Dieu est au cœur de cette humanité vulnérable. L’enfant qui vient de naître est à la merci d’Hérode et des mages.

« Sur ces paroles du roi, les mages se mirent en route… »

C’est alors que la fatalité de la violence va se briser sur trois miracles, trois événements qui n’avaient pas été programmés.

Le premier miracle, tout simple et pourtant incroyable, c’est la joie. « Ils voient l’étoile et se réjouissent d’une très grande joie. »

Curieux comme la joie peut surprendre au détour du chemin, au sein même de la misère. La joie n’était pas au rendez-vous dans la froideur du palais d’Hérode. Le comble, c’est que la joie éclate dans la simplicité même de Bethléem, une joie qui déborde. La joie comme un miracle, au bout de la longue quête des mages, là où ils ne l’attendaient pas.

Le second miracle, ce sont les cadeaux des mages. L’enfant était à leur merci. Il les a touchés par la joie. Alors ils offrent des présents pour dire merci. Des cadeaux de roi, des présents disproportionnés. L’or, l’encens et la myrrhe. Cadeaux offerts à l’enfant de Bethléem et accueillis par la tradition comme autant de signes prophétiques : l’or pour la royauté de Jésus, l’encens pour sa divinité et la myrrhe pour sa sépulture.

Et voici le troisième miracle : le retour des mages par un autre chemin. Ils ont su entendre l’avertissement du rêve et ils ont modifié leur itinéraire. A notre tour de nous incliner bien bas devant les mages et devant tous ceux qui ont le courage de tirer des conséquences des avertissements et des signes qu’ils reçoivent. Car aujourd’hui, à moins que nous ne soyons complètement sourds et aveugles, ce ne sont pas les avertissements et les signes qui manquent, mais le courage d’en tenir compte. Car cela peut coûter, nous valoir des ennuis, déranger nos vies tranquilles. Il serait bon d’ouvrir les yeux et de tendre les oreilles pour discerner les avertissements d’aujourd’hui. Ouvrir les yeux et tendre les oreilles pour discerner les appels de notre monde, de notre planète tout comme de la cohorte de tous ceux dont la vie est à notre merci et qui espèrent malgré tout que l’on fera un détour.

Jésus a été sauvé par un acte d’humanité venant d’ailleurs. Quelles que soient les croyances, c’est toujours en acte que se joue l’amour de Dieu, d’un Dieu qui s’est rendu à notre merci.
Amen

Nous approchons

Avec les mages, c’est toute l’humanité qui s’avance près de la crèche et s’approche de l’Enfant-Dieu afin de trouver auprès de lui sens et lumière pour vivre.

Nous approchons, Seigneur, avec tous ceux qui ont égaré l’espérance, avec ceux pour qui la foi ressemble à une longue nuit à traverser, avec ceux qui ont perdu le goût de chercher et de lutter.

Nous approchons, Seigneur, avec tous ceux qui sont handicapés dans leur corps ou dans leur esprit, avec ceux qui sont immobilisés dans leur souffrance, avec ceux qui sont laissés à leur solitude, avec ceux que personne jamais ne vient consoler.

Nous approchons Seigneur avec tous ceux qu’on a écartés de la table, avec ceux qui vivent dans la faim et la misère, avec ceux qui sont diminués dans leur dignité, avec ceux qui ont oublié les couleurs de la paix…

De toi, Enfant de la crèche, nous approchons, pleins de confiance,

Vois : nous venons chercher l’espérance !

Bénis-nous

Comme une étoile au cœur de la nuit, le Seigneur notre Dieu nous montre les signes de son amour pour tous les hommes. Qu’il nous donne un cœur assez simple et largement ouvert pour nous illuminer de sa clarté, pour éclairer nos pas de chaque jour et nous conduire vers notre bonheur. Le Seigneur est avec nous tous.

Amen.