Du jardin à la ville

Prédication du 2ème dimanche de l’Avent, Paroisse de la BARC

Temple de Bôle, dimanche 4 décembre 2022 – Jean-Jacques Beljean

Lectures bibliques : Apocalypse 21, 1-7 ;  22, 1-5 ;  22, 6-14

Chers frères et sœurs en Christ,

Quelle idée étrange de lire des textes de l’Apocalypse de saint Jean lors du temps de l’Avent !

Ne vaudrait-il pas mieux se préparer à la commémoration du premier Noël de l’humanité, se souvenir de l’Enfant dans la crèche de l’Hôtellerie de Bethlehem de Judée ou encore se recueillir dans la reconnaissance pour l’incarnation de Dieu en Jésus-Christ ?

L’Avent

Vous le savez certainement déjà, les premiers chrétiens ne fêtaient pas Noël. Ils se focalisaient principalement sur l’avenir en se basant sur cette phrase d’un ange : « ce Jésus que vous avez crucifié, Dieu l’a fait Seigneur et Christ ». Immédiatement cela les dirigeait non vers le passé mais vers l’avenir. Solidement ancrés sur le passé, une fois la première Pentecôte derrière eux, ils dirigeaient leurs regards vers la revenue du Christ et Seigneur. En un mot, les deux pieds sur terre ils se projetaient vers l’avenir, attendant qu’à nouveau, Jésus advienne comme Seigneur et Christ.

Advenir, c’est bien le mot qui a donné Avent, du latin Adventus. Avent avec e, bien sûr ! Mais de quel advenir s’agit-il ?

Il s’agit bien de la manifestation finale de Dieu, par son Christ, dans le monde et l’Univers.

Au 6ème siècle, toujours dans cette perspective, le pape Grégoire le Grand instaura cette période liturgique de l’Avent pour que le peuple chrétien reste tendu vers l’avenir et ne se complaise pas seulement dans le passé. Il s’agissait de se camper sur le passé tout en dirigeant son cœur et ses pensées vers une nouvelle et définitive intervention de Dieu pour le monde.

Noël est de retour !

Mais voilà, vous le savez bien : « chassez le naturel, il revient au galop ! On s’était mis à fêter Noël, que l’on avait rattaché à la fête romaine des Lumières en raison du solstice d’hiver, symbole de la lumière qui renaît. Simultanément, peu à peu, ce temps de l’Avent, de la préparation du retour du Christ, devint une préparation au souvenir du Christ que l’on qualifia de « Soleil levant ». Quatre, voire six dimanches furent consacrés à la préparation d’un anniversaire et plus à une espérance. Le dynamisme tendu vers l’avenir s’éteignait peu à peu avec la christianisation de l’Empire romain.

Et nous, en 2022, presque 2023 ?

Nous constatons les tragédies et les désespoirs. Nous pensons, entre autres, à l’Ukraine, à la Syrie, l’Ethiopie, la Corée du Nord. Nous pensons aux tragédies des victimes qui traversent les mers pour rejoindre un monde meilleur. Nous nous inquiétons du réchauffement et des changements climatiques dont les conséquences se font peu à peu sentir : fonte des glaciers, inondations, glissements de terrain. Nous nous souvenons de toutes ces personnes victime de la guerre et du Covid, etc., etc.

Tout cela provoque de l’anxiété, parfois de l’éco anxiété comme on le dit si bien, chez les jeunes comme chez les aînés qui pensent aux suivants. On s’en vient à désespérer car rien ne change assez vite et, s’il fallait changer, que cela soit pénible voire insurmontable.

Et l’Apocalypse, là-dedans ?

Mais bref, me direz-vous, quel rapport avec l’Apocalypse, avec ce temps de l’Avent qui nous tend, nous le savons maintenant, vers le futur et ne  nous ramène pas simplement au passé.

Eh bien, justement. Vers la fin du 1er s de notre ère, un certain Jean, habitant de l’Ile de Patmos, se posait les mêmes questions quant à l’avenir, même si sa situation différait partiellement de la nôtre. Il eut une vision, comme bien d’autres mystiques à l’époque. Mais sa vision était différente. Il la fit mettre par écrit. C’est l’Apocalypse qui se trouve à la fin de nos Bibles. Apocalypse. Un mot un peu hermétique, synonyme de catastrophes mais qui signifie, contrairement à ce que l’on pense généralement, tout simplement « Révélation ». Et non prédictions, lesquelles, en règle générale, n’arrivent jamais… songeons à l’an mille, à 1914 ou encore l’an 2000, entre autres.

Ainsi, ce texte ne prédit pas des événements. Mais, sous une forme imagée il veut nous inciter à tourner nos regards non vers le passé, avec nostalgie, mais vers le futur, l’avenir.  Certes, ce livre est rempli de catastrophes et d’événements tragiques. Mais comme pour les paraboles de Jésus il ne faut pas se focaliser sur les détails, les péripéties du texte mais sur son mouvement : il s’agit d’un passage du désespoir devant l’état du monde à une espérance que Dieu n’a pas dit son dernier mot. L’Apocalypse dit bien que nous sommes ancrés sur le passé. Mais nous sommes comme dans les starting-blocks pour nous élancer vers l’avenir. En un mot, sous un langage étrange, assez ésotérique et mythologique voire même bizarre ce texte veut nous rendre l’espérance.

Du désespoir à l’espérance

Non seulement Dieu est venu dans notre monde en Jésus-Christ, c’est le socle du passé, mais encore il se situe devant nous et il advient. Il est permis d’espérer, l’Apocalypse nous le conseille même. L’Apocalypse c’est l’affirmation d’espérance que Dieu n’a pas dit son dernier mot il y a deux mille ans, il le dit et le dira encore pour le présent comme pour l’avenir.

Les premiers chrétiens étaient bien impuissants devant l’état du monde qui se présentait à eux. Pour eux c’était l’Empire romain, cruel et soumettant les peuples, les maniant telle la main de fer dans le gant de velours de la civilisation. On ne comptait plus les massacres, les répressions, les assassinats, les complots, les guerres. Pourtant, les croyant espéraient et ne faisaient pas que se désoler. En écrivant les épisodes de sa vision Jean de Patmos voulait redonner de l’espérance, voire un coup de fouet : « Non, le monde ne va pas à sa perte, il va vers son accomplissement. Il est temps d’agir et surtout d’espérer contre tout désespoir.

Du Jardin à la Ville

Avez-vous déjà remarqué que la Bible commence par la nature, se poursuit par un jardin, et se termine par une ville ? L’Eden au début et la Nouvelle Jérusalem à la fin. C’est certainement que Dieu aime ce que les humains ont créé à sa suite : ils ont bâti, construit, écrit, joué, chanté, peint, découvert, compté. Bref, à la nature des origines se sont ajoutées la civilisation, les sciences, la connaissance et bien d’autres choses. L’être humain a changé le monde, il a touché à l’infiniment grand comme à l’infiniment petit. 

Un message d’encouragement

Ainsi l’Apocalypse contient un avertissement et une promesse. L’avertissement, c’est qu’on ne peut pas, on n’a pas le droit d’aller trop loin. Il faut faire attention, aux autres, à la nature. La création n’est pas inépuisable et la créature n’est pas méprisable. Il y a des limites, et en abuser mène à la catastrophe. La promesse, c’est que Dieu va intervenir, que des solutions vont émerger, toutes nouvelles : la mort sera vaincue, elle n’aura plus le dernier mot. L’amour sera vainqueur, il pourra guérir le monde comme le montre l’image de l’arbre de la guérison. Et surtout, étape ultime après toutes les péripéties tragiques du monde et de chacun, Dieu vivra parmi les hommes, à nouveau comme avec le Christ du 1er s mais d’une manière bien plus grande. Du neuf va être fait. Plus de deuil, plus de morts, plus de lamentation, plus de douleur.

Incroyable, non ? Incroyable. Oui. Au double sens du mot : qu’on ne peut pas croire mais aussi admirable, plein d’espoir. 

La véritable consolation

Mais l’espoir des chrétiens n’est pas la consolation des imbéciles. C’est une mise en route. La voie est tracée, qui va de la création au Christ, du Christ à l’Eglise, de l’Eglise à un monde enfin renouvelé, modelé, au-delà de toutes les catastrophes passées, présentes et à venir.

C’est dire qu’avec l’Apocalypse, loin de nous focaliser sur les catastrophes, nous pouvons tendre notre esprit vers ce qui va advenir. Avec Jean de Patmos, avec Grégoire le Grand, nous pouvons nous permettre de rêver, de discerner l’avenir, de le préparer et d’espérer. Nous pouvons professer l’espérance et ne pas nous laisser aller au fatalisme même si bien des choses et des événements nous semblent contraires.

Cette nouvelle Jérusalem nous donne de l’espérance. Le pire n’est pas nécessairement le plus vraisemblable même s’il est réaliste. Nous pouvons nous remettre à espérer…

21 Alors je vis un nouveau ciel et une nouvelle terre. Le premier ciel et la première terre avaient disparu, et il n’y avait plus de mer. 2 Et je vis la ville sainte, la nouvelle Jérusalem, qui descendait du ciel, envoyée par Dieu, prête comme une épouse qui s’est faite belle pour aller à la rencontre de son mari. 3 J’entendis une voix forte qui venait du trône et disait : « Maintenant la demeure de Dieu est parmi les hommes ! Il demeurera avec eux et ils seront ses peuples. Dieu lui-même sera avec eux, il sera leur Dieu. 4 Il essuiera toute larme de leurs yeux. Il n’y aura plus de mort, il n’y aura plus ni deuil, ni lamentations, ni douleur. En effet, les choses anciennes auront disparu. »

Amen !

Prions

Inclinons-nous dans l’intercession  pour l’Eglise et pour  le monde :

Seigneur, c’est dans l’espérance que du neuf va advenir pour notre monde que nous te prions…

Donne ton pain, Seigneur à ceux et celles qui ont faim,

Mais à ceux et celles qui ont du pain, donne la faim du partage.
Donne ta force à ceux et celles qui sont faibles.

Et donne l’humilité à ceux et celles qui se croient forts, 
car toi seul, Seigneur, es notre force.

Donne la foi à ceux et celles qui doutent et qui ont peur…

Et donne le doute et ta crainte à ceux et celles qui croient te posséder, 
car toi seul, Seigneur, es espérance et vérité.

Donne la lumière à ceux et celles qui te cherchent.

Et garde dans ton amour ceux et celles qui t’ont trouvé, pour qu’ils te cherchent encore, 
car toi seul, Seigneur, peut combler notre amour.

Garde, Seigneur, tous ceux et celles qui comptent sur toi, tout spécialement aujourd’hui au Moyen-Orient, en Ukraine comme ailleurs dans le monde. Et dans la communion œcuménique de l’Eglise universelle souviens-toi de nos frères et sœur chrétiens de Brunei, Malaisie et Singapour au sein de leurs peuples.

Donne, Seigneur le sens de la justice et de la sagesse à tous ceux et celles qui gouvernent et que ta voix, même si elle est ténue, leur fasse comprendre qu’il ne faut jamais tomber dans la folie meurtrière et l’illusion que la violence apporte des solutions.

Bénis nos autorités, communales, cantonales, fédérales afin que toujours elles cherchent paix, concorde et justice. Que ta sagesse soit donnée à chacune des personnes qui exercent une responsabilité dans notre société, tout particulièrement demain à nos parlementaires fédéraux.

Enfin, donne nous la force de nous exprimer, de proposer ou de protester comme aussi d’entourer tous ceux et celles qui en ont besoin. Inspire notre humanité pour qu’elle trouve des solutions aux défis du monde contemporain.

Exauce-nous, par Jésus, le Christ, Notre Seigneur. Amen.