Prédication du dimanche 9 mars 2025 à Auvernier.Lectures bibliques: Deutéronome 4,4-15a et Luc 4,1-13.
Écoute!
Écoute! Non pas crois, obéis, adhère ou fais… mais écoute! Telle est l’injonction adressée au peuple de Dieu.
Nous, hommes et femmes du XXIe siècle, sommes du monde de l’image. Ce qui marque nos consciences, c’est ce que nous avons vu. Nous nous fions aveuglément (si je puis dire) à ce que nous voyons. Et nos esprits sont empreints de tout ce que nos yeux perçoivent, même inconsciemment. On sait pourtant qu’il faut se méfier de ce que nous croyons avoir vu. Les capacités actuelles de l’intelligence artificielle devraient augmenter notre vigilance puisque désormais on peut faire tenir en vidéo n’importe quel discours à n’importe quel visage.
Nous sommes du monde de l’image. Et du monde de l’écrit. Les paroles s’envolent, les écrits restent. Nous ne nous confions qu’à ce qui a été inscrit noir sur blanc. Quitte à considérer comme vrai quelque chose pour la seule et unique raison qu’elle est écrite. Nous sommes du monde de l’image et du monde de l’écrit.
Le monde de la Bible, lui, est celui de l’oralité. Avant d’être mis par écrit, tous les récits, tous les livres, toutes les histoires qui composent la Bible ont été transmis oralement. Et ce, pendant des décennies, des siècles pour certains. Une histoire de la transmission orale qui appartient à un passé auquel nous n’avons plus accès autrement que par le fruit de celui-ci. A un moment précis de l’histoire, des hommes (et peut-être des femmes) ont couché sur le papier les récits dont ils avaient hérité et dont ils étaient imprégnés.
Écoute. Ne fais pas qu’entendre d’une oreille distraite. Mais écoute véritablement. Laisse-toi infuser de ces paroles. Qu’elles deviennent une partie de toi-même. Qu’elles prennent sens pour toi. Du soir au matin et du matin au soir. Et ensuite, transmets-les. Leur héritage t’appartient. Enseigne ces paroles. Et agis en conséquences. Ces paroles sont des commandements. Au travers de tes actions, tu transmets, tu enseignes comment ces paroles peuvent s’incarner dans le monde.
L’ancrage dans les Écritures
Jésus est né dans ce monde de transmission orale. Il connaissait la Torah et les prophètes. Il s’ancrait dans leur héritage. Et lorsque, rempli de l’Esprit saint et baptisé, il est emmené dans un temps d’épreuves et de tentations, il se raccroche à ces paroles. Le baptême de Jésus marque le début de son ministère. L’Esprit de Dieu est en lui, il est investi d’une mission et de pouvoirs. Il traverse alors de profonds questionnements : que va-t-il faire de cette puissance? Mené au désert, lieu symbolique du face-à-face avec ses limites, Jésus est traversé par les épreuves. Il est tenté. Ces tentations sont si puissantes qu’elles se personnifient: le diable, le diviseur, satan… ou tout autre nom que l’on voudra bien lui donner.
Tu as le pouvoir de changer les choses, lui insinue ce tentateur. Tu peux agir et assouvir ainsi ta faim, étancher ta soif. Personne n’en saura rien. Face à ce qui pourrait s’apparenter à une simple faiblesse passagère mais qui est en réalité bien plus significatif, Jésus s’accroche à ses convictions, à sa foi ancrée et aux paroles qui y font écho. L’être humain ne vivra pas de pain seulement. Parole du Deutéronome.
Essayé pas pu pour le tentateur. Jésus ne cède pas pour ce qui concerne l’assouvissement des désirs immédiats. Mais le sournois a plus d’un tour dans son sac. Et peu nombreux sont ceux qui résistent à la tentation de la domination.
Voilà donc Jésus à nouveau face à un choix. Face à lui-même. Sera-t-il de ceux qui exercent leur pouvoir en dominant? Quitte parfois à écraser, à oppresser? Au nom du bien commun, on justifie les pires horreurs. On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs… Sera-t-il de ces rois là?…
Jésus refuse de se mettre à genoux devant celui qui prétend être maître de tous ces royaumes. L’est-il vraiment d’ailleurs? Ou bien le laisse-t-on le devenir?!? Encore une fois, Jésus s’accroche à sa foi profonde et il cite les Écritures. Adore le Seigneur ton Dieu et sers-le, lui seul. Encore le Deutéronome.
La tentation du détournement des Écritures
A nouveau, essayé pas pu! Mais le tentateur est terrible. Et il est bon en marketing. Il sait parler le langage de celui à qui il s’adresse. Pour la troisième tentation, il s’appuiera lui-aussi sur des paroles des Écritures. Un psaume et un passage du Deutéronome. Tiens, comme par hasard… Serait-ce donc la volonté de Dieu lui-même que Jésus prouve au monde par une démonstration de force qu’il est son Fils? Puisque les Écritures le déclarent?!?…
Écoute! Écoute les paroles de Dieu. Fais-les tiennes. Laisse-les t’imprégner et agis en conséquence. Écoute et cherche le sens. Si tu ne cherches pas le sens des paroles, alors celles-ci peuvent être aisément détournées et utilisées à mauvais escient. Ce n’est pas parce que c’est écrit que c’est vrai. Ce n’est pas parce que la Bible le dit qu’il faut agir de telle ou telle manière. Le tentateur lui-même sait très bien faire usage de citations qui vont dans le sens de sa propre volonté. Il sait appuyer son propos par des paroles pêchées ici ou là. La troisième tentation de Jésus et à la fois celle de prouver au monde qui il est en se jetant du toit du temple pour être porté par des anges, et celle de l’usage littéral des textes de la Bible.
La tentation du peuple de Dieu, exprimée dans le texte de l’Ancien Testament que nous avons entendu ce matin, est celle d’oublier cet ancrage dans la foi, dans l’histoire et dans les textes. Dès lors que la vie se fait plus aisée, confortable et loin des épreuves.
Garde-toi d’oublier! N’arrête pas d’écouter. Afin que ta vigilance s’aiguise et que ton assise dans la foi soit plus solide.
Amen