Quand Jésus nous demande l’impossible !

Culte de René Perret du 23 février 2025 au temple de Colombier

Lectures bibliques: Psaume 103,1-4, 8.10, 12-13 ; Luc 6,27-32,35-38

Prédication

J’aimerais commencer notre méditation par une histoire intitulée Le festin du Seigneur*.

Le village au pied du château venait tout juste de se réveiller quand retentit sur la grand place la voix du héraut seigneurial :

   « Notre Seigneur bien-aimé invite tous ses biens-aimés sujets à partager avec lui un festin pour son anniversaire. Une heureuse surprise les y attend. Il leur demande toute­fois d’avoir la grande gentillesse d’apporter un peu d’eau pour remplir le bassin du château qui est à sec … « 

   Et faisant volte-face, le héraut entouré de ses gardes reprend le chemin du castel seigneurial.

   Les commentaires fusent bon train, mais sur des modes fort divers :

   – Pfffh Il a bien assez de domestiques pour faire remplir son bassin … Je lui monterai un verre, ce sera largement suffisant !

   – Que non! Il a toujours été bon et généreux ! Je lui apporterai un plein tonneau !

   Et au matin du jour dit, on voit un étrange cortège monter du village vers le château. Les uns poussent de toutes leurs forces de lourds tonneaux, ou transpirent en portant des seaux pleins à ras-bord. D’autres, moqueurs, portent une carafe ou un petit verre sur un plateau.

   Entrés dans la cour intérieure, chacun vide son récipient dans le bassin central, le dépose au vestiaire et se dirige joyeusement vers la salle du banquet.

   Rôtis et vins, danses et chants, la fête est belle ; lorsque le soir arrive, le Seigneur remercie chacun d’un mot aimable et se retire dans ses appartements.

   « Et la surprise promise ? » Désappointement des grin­cheux. Joie heureuse des bons sujets: « Notre maître vient de nous donner le meilleur festin qui soit ! »

   Et chacun, avant de repartir, passe prendre son récipient. C’est alors que des cris éclatent en provenance du vestiaire. Cris de joie et cris de rage. Les récipients étaient remplis à ras-bord de pièces d’or!

   – Ah ! Que n’ai-je apporté davantage d’eau … !

 

   Le premier parallèle que nous voyons entre cette histoire et le récit d’Evangile, c’est peut-être la rétribution : Dieu nous donnera comme nous donnons aux autres. Et donc, tant qu’à faire, donnons généreusement, si l’histoire se répète… !

   Il y a aussi ici cette eau demandée par le maître du château, pour remplir le bassin qui est à sec. C’est une demande qui paraît aux uns ridicule, et aux autres une réponse normale à la générosité et à la bonté du Seigneur.

   Pour nous, bénir ceux qui nous maudissent, tendre l’autre joue, ne pas refuser de donner à qui nous prend un bien, etc, c’est tout sauf évident. Pour les uns, c’est impensable : en-dehors de leur volonté de se défendre, de leur besoin de se faire respecter. C’est trop leur demander. Je peux faire partie de ces gens par moment tant je trouve exigeantes ces demandes concrètes.

   Remarquons que Jésus ne se contente pas de nous prescrire un comportement si à rebours du bon sens habituel : il introduit son Père, ce Dieu de bonté.

   Déjà dans le Psaume 103, nous avons lu combien nous avons en Dieu un Père de tendresse, de pitié, de patience, d’amour débordant. Un Dieu qui ne comptabilise nos fautes, mais qui les pardonne et les éloigne de nous. Je souligne : il met nos fautes loin de nous ; alors que nous avons tendance à les garder en partie en mémoire, là où elles continuent de nous ronger.

   C’est Jésus et son Père qui nous donnent ce qu’ils nous ordonnent. Cet amour de l’ennemi, Jésus l’a non seulement proclamé, mais il l’a vécu dans sa chair. Jusqu’à prier sur la Croix pour ses bourreaux, en demandant à son Père : « Pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font. »

   Il nous est demandé avec force d’aimer, parce que nous avons été aimés en premier par Dieu.

   L’amour de Dieu pour nous a été et reste le premier ; à ce comblement affectif reçu, nous sommes appelés à répondre en filles et fils de ce Père-là. Elle est là, la rétribution, plus précieuse que les pièces d’or de notre histoire du début : c’est notre élection comme filles et fils du même Père, sœurs et frères de Jésus.

   Mon professeur de Nouveau Testament, que j’ai eu le privilège de connaître alors qu’il débutait à Neuchâtel, Jean Zumstein, avait une fois eu cette formule qui m’a marquée : « La seule façon d’éliminer définitivement un ennemi, c’est de l’aimer. »

   C’est tellement vrai ! Qui peut rester agressif à celui qui lui oppose une réponse paisible ? Les exemples donnés par l’Evangile, s’ils sont vécus, ne peuvent que désarçonner ceux qui nous en veulent.

   La bénédiction (comme la malédiction d’ailleurs) ne consiste pas seulement en des phrases et des pensées. La bénédiction est porteuse de conséquences pour la personne à qui on l’adresse, verbalement ou déjà dans la prière.

   On le remarque au quotidien : dire à un enfant « Ton travail te demande un vrai effort. Je crois que tu as en toi la possibilité de le réaliser. Je t’encourage à t’accrocher pour y arriver. »

C’est une bénédiction, qui apaise la crainte et le découragement de l’enfant.

   Dans notre entourage, nous connaissons des gens qui nous sont antipathiques, voire davantage, ce qui est éprouvant pour notre vie. Dans ma vie, il y a des gens que j’ai de la peine à bénir, et que j’essaie de prier Dieu pour qu’il les bénisse. Sans surprise, Donald, Elon, Vladimir font partie de ces gens-là que j’aimerais plutôt maudire.

   Mais Jésus ne me lâche pas, il ne nous lâche pas. Avec la douce fermeté que nous lui connaissons, il nous encourage à ce que notre relation avec Dieu nous pousse à améliorer notre relation à ceux qui nous sont peu sympathiques, pour le dire gentiment.

   Car il croit, celui qui est notre Seigneur vivant, que notre attitude peut modifier le comportement de nos adversaires, voire les inciter à découvrir la relation qu’ils pourraient avoir avec notre Dieu, qui est aussi leur Dieu, notre Père qui est aussi leur Père. Amen.

* Jean Vernette, « Paraboles pour aujourd’hui »

Confession de foi

Je fais confiance à Dieu qui est puissance d’amour, créateur du ciel et de la terre,

Je crois en Jésus, Parole de Dieu faite homme, Messie des affligés et des opprimés, qui a proclamé le Royaume de Dieu; c’est pourquoi il a été crucifié, livré, comme nous, à la destruction, mais ressuscité le troisième jour afin de continuer à agir pour notre libération jusqu’à ce que Dieu soit tout en tous.

J’ai confiance en l’Esprit Saint qui vit en nous et nous incite au pardon mutuel; qui fait de nous des compagnons de lutte du Ressuscité, des sœurs et des frères de celles et ceux qui ont soif de justice.

Je crois à la communion de l’Église universelle, à la paix sur terre, à la délivrance des morts, et à l’épanouissement de la vie au-delà de notre connaissance.

D’après un texte de Kurt Marti