Prédication apportée par Claude Fiaux, prédicateur laïc, lors du culte du 21 octobre au temple d’Auvernier.
Lectures bibliques : Psaume 19 8-14, Matthieu 5.38-48
Se laisser taper dessus, et même tendre l’autre joue, aimer ses ennemis, c’est tout un programme de non-violence que Jésus nous invite à suivre…
Ce texte de Matthieu n’est pas évident pour moi, car je trouve cette attitude de non-violence extrêmement difficile à suivre, je dirais même qu’elle me pose un problème de conscience.
Bien que je sois complètement convaincu des bienfaits d’une attitude non violente, si je cherche à justifier la non-violence, je me trouve très rapidement à court d’arguments, parfois en discutant avec mes enfants ils me disent : on n’est pas dans un monde de bisounours…
Si au contraire je cherche à justifier la violence je trouve beaucoup plus d’arguments, dès que je me sens en danger tous mes sens se mettent en éveil, et je peux très rapidement dériver vers une attitude de violence. Tout cela est exacerbé par les injustices vécues et mes frustrations. La peur de perdre mes privilèges, mes avantages, me poussent à me protéger me barricader, prêt à me défendre, certains dirons que la meilleure défense est l’attaque !
Et que dire lorsque j’apprends que ceux que j’aime sont en danger ou vivent une injustice, je sens tout de suite de la rage et suis prêt à les défendre par tous les moyens.
A l’intérieur de moi je sais que ce n’est pas la meilleure solution et me sens en contradiction avec mes principes. Quand j’étais jeune et que l’heure était venue de faire mon service militaire, je me suis frotté à ce conflit : apprendre à manier une arme que je ne désire utiliser en aucun cas. Cette contradiction m’a amené à objecter.
Le texte de Matthieu me rappelle tout cela et je me rends compte que ce conflit intérieur entre violence et non-violence est toujours présent en moi.
Blaise Pascal fait référence à cette opposition dans sa citation : « Ne pouvant fortifier la justice nous avons justifié la force »
Cette incapacité à la non-violence conduit notre société a des situations dramatiques ou par la force et la violence il faut imposer son point de vue. Ils conduisent à des situations de répressions, à des montées d’extrémisme et à des guerres comme en Ukraine, en Palestine, en Afrique…
Je constate qu’à chaque fois que la force et la violence est utilisée pour résoudre un conflit, elle conduit à une spirale infernale, ou la seule issue possible semble être l’anéantissement complet d’un des deux belligérants !
Dans son interpellation Jésus part de la loi du talion qui est censé mettre une limite à notre réaction : œil pour œil, dent pour dent, notre réponse ne doit pas aller au-delà du dommage subi. Mais Jésus va plus loin il nous demande de ne pas résister au méchant, de tendre l’autre joue.
Il nous affirme même qu’en procédant ainsi nous serons parfaits comme le père céleste est parfait !
Il est important de faire la différence entre être irréprochable et être parfait.
L’homme irréprochable est celui qui a le sentiment d’avoir accompli ce qu’on attend de lui, tandis que la perfection exprime l’idée « d’engagement total, d’appartenance sans réserve à Dieu, au sein même du péché ».
L’homme qui recherche l’irréprochabilité se réfère à des critères objectifs clairement établis. En ce sens, il vit sous la loi, puisque c’est elle qui lui dicte son comportement.
Cette attitude rejoint celle dénoncée par Paul comme conduisant à la mort, puisqu’elle remplace le but de la loi, la rencontre de l’autre dans une relation d’amour, par un sentiment d’avoir une bonne conscience.
L’homme en quête de perfection se laisse pleinement habiter par le désir de Dieu. Son but est de parvenir à développer avec chacun, même avec celui qui manifeste de l’hostilité, une relation qui s’enracine dans l’amour donné par Dieu. Ce Dieu qui manifeste son amour sans distinction, il fait lever le soleil ou pleuvoir sur tout être humain, un amour est sans condition ni limite envers tout homme.
Cette exhortation de Jésus n’est donc pas un nouveau commandement, une nouvelle loi, mais un chemin à suivre. Jésus donne quelques exemples qu’il adresse au singulier :
« si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre. » c’est une invitation personnelle qu’il m’adresse. Cet appel pourrait être considérer comme une approche masochiste, mais de quelle joue gauche s’agit-il ? Marie Balmary psychanalyste et chercheuse de la Bible nous dis que le texte peut être compris comme « Tends lui une autre » donc pas forcement l’autre joue, une joue différente. Je le comprends comme trouver une autre réponse.
Dans le deuxième exemple il dit : Si quelqu’un te force à faire mille pas, fais-en deux mille avec lui. Là aussi il propose d’en faire 2000 mais avec lui ! ce n’est donc pas une attitude passive, de se laisser faire, mais d‘entrer dans une autre dynamique, en se faisant en quelque sorte le miroir de l’autre, en l’amenant à s’interroger sur sa violence, sans se laisser abattre, de refléter l’amour du Christ pour lui.
« La personne dont la haine me conduit à haïr à mon tour m’humilie deux fois », écrivait Etty Hillesum. Elle m’humilie une première fois à cause de sa haine envers moi et une deuxième fois à cause de la contagion de sa haine en moi. Répondre à la haine par l’amour est particulièrement difficile et nécessite certainement une sorte d’exercice. Je ne pense pas que je peux y arriver seul !
Lorsque Jésus nous dit : « Et moi, je vous dis : Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent » il n’utilise plus le singulier comme dans ses exemples, mais il s’adresse à tous, à toute la foule présente, a la communauté ! Il l’exhorte à prier ! Cette non-violence est un acte individuel, mais il est porté par toute la communauté.
Cette prière vient également en rupture d’un face à face. Elle nous fait tous intervenir et nous invite à faire appel à notre Dieu. Ainsi Dieu s’invite dans le conflit et viens s’interposer. La prière permet en quelque sorte de sortir du cercle infernal de la haine, par elle nous pouvons nous imprégner de l’amour de Dieu et mieux appréhender les situations de conflit tout en étant aidés et soutenus par la communauté.
C’est ce chemin vers la perfection que Jésus nous invite à suivre.
Loin de moi la prétention d’avoir compris tous les enjeux de ce texte. J’espère que mes remarques vous interpellent et vous feront réagir… et je souhaite que chacun d’entre vous puisse cheminer à sa façon vers ce chemin de la perfection.
Bonne route à vous tous !