Pour compléter la méditation de Frédy Thévoz paru dans le journal La BARC n°61
Qui n’a pas entendu « Eve a commis le péché originel » ? Eve, la pécheresse tentatrice, a provoqué notre chute et la perte du Jardin d’Eden. Cette affirmation tant répétée a-t-elle pu ternir l’image de la femme ? Voir justifier son abaissement quasi général dans le monde ? La narration de la Genèse a imprégné de son influence le monde occidental et judéo-chrétien, également musulman et oriental. Mais son sens originel a été déformé au fil des siècles d’interprétations exclusivement masculines (la notion de « péché originel » n’est pas biblique, elle est due à Augustin d’Hippone au 4e siècle). Si la Genèse est un livre avant tout symbolique, la force du symbole est grande. Inégalité et péché originel sont ainsi liés dans l’inconscient collectif, avec le poids que cela peut avoir dans les diverses formes de soumission et d’injustice subies par les femmes. Alors que dit vraiment la Genèse biblique à ce sujet ?
— Le premier élément à considérer apparaît au chapitre 2 versets 15 à 18, exposant clairement que Dieu donne à Adam seul la consigne de ne pas manger le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal ! Pourquoi à Adam seul ? Pour la bonne et simple raison qu’Eve n’existe pas encore à ce moment précis. En effet après avoir donné sa consigne, Dieu dit à Adam « Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Je lui ferai une aide semblable à lui. » L’être humain Eve sera créé plus tard, tiré du « côté » (selon l’original hébreu) de l’être humain Adam.
— Le second point clé apparaît au chapitre 3 verset 6 « La femme vit que l’arbre était porteur de fruits bons à manger, agréable à regarder et précieux pour ouvrir l’intelligence. Elle prit de son fruit et en mangea. Elle en donna aussi à son mari qui était avec elle et il en mangea. »
Eve avait aussi compris la règle, cela ressort du dialogue qui précède avec le serpent, surtout il ressort du chapitre 3 de la chute, qu’Adam « était avec elle » (ou « Adam se tenait à ses côtés »), Eve n’a pas eu à l’appeler pour qu’il mange aussi ce fruit. Ainsi Adam, qui a reçu les instructions directement de Dieu, a laissé parler le Serpent sans intervenir, sans utiliser sa parole pour rappeler celle de Dieu. Et il a pris ce fruit sans réagir. Le silence d’Adam a précédé le geste d’Eve, son silence est bien le péché originel (à part celui du Serpent, une autre histoire). Cela correspond à l’étymologie du mot péché « un acte manqué », « rater la cible », le bien que l’on ne fait pas plutôt que les actions mauvaises, car l’absence du bien laisse place au mal.
Le nouveau Testament confirme ces faits par l’apôtre Paul dans Romains ch. 5 : 12 à 14 « de même que par un seul homme le péché est entré dans le monde, … une transgression semblable à celle d’Adam, qui est l’image de celui qui devait venir. »
Dieu lui-même, comment voit-il la responsabilité d’Adam et Eve dans cette chute ? Les deux seront sanctionnés, l’une par la douleur de l’enfantement et l’autre en obtenant sa nourriture à la sueur de son front tous les jours de sa vie (Genèse 3:16-17). Tous deux sont donc coresponsables aux yeux de Dieu. Pour Eve, Dieu est allé plus loin, en l’honorant d’une charge extraordinaire. Dans Genèse 3:15 Dieu dit que la descendance d’Eve écrasera la tête du serpent. En plus de choisir Eve et sa descendance pour vaincre le mal, il est émouvant de lire ici la première annonce du plan de Grâce en Jésus-Christ, notre Pâque commence là.
Alors que Dieu maudit uniquement le Serpent, Eve et Adam vont conserver leur bénédiction du chapitre 1:28. Même en quittant le Jardin pour ne pas passer l’éternité dans leur état corrompu (et ne pas manger du fruit de l’arbre de vie éternelle, voir Genèse 3:22 à 24), ils ne sont pas chassés de la présence de Dieu. Par exemple, Genèse 4 :1 « Eve tomba enceinte et mit au monde Caïn. Elle dit : « J’ai donné vie à un homme avec l’aide de l’Éternel. ». Même dans sa sanction et hors d’Eden, Eve est aidée par Dieu, un avant-goût de sa Grâce.
Alors que tirer de ces tous premiers chapitres de la Bible pour nos vies d’aujourd’hui ?
D’abord, lorsque les serpents continuent à siffler autour de nous et mettent nos prochains, et nos prochaines, en difficulté, ne restons pas silencieux ni passifs ! Soyons activement à leurs côtés pour le bien, et rappelons-nous les paroles de vie du Créateur. Et même dans les conséquences directes de nos fautes, son Esprit nous soutient. Ensuite, regardons les femmes comme nos semblables, nos égales, ainsi créées à l’image de Dieu par sa volonté. La présence du Dieu qui est Amour, abolira toute inégalité de naissance, de culture, de conditions sociales, et de genres : Tout être aura sa juste valeur, inestimable. Galates 3 :28 « Il n’y a plus ni Juif ni non-Juif, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme, car vous êtes tous un en Jésus-Christ. »
Frédy Thévoz, Bôle