Au cours de ces quelques dernières années, tout un vocabulaire a émergé : « confinement », « cas contact », « cluster », « distanciation sociale » sont des mots que nous aurions trouvé totalement incompréhensibles il y a encore trois ans. Le dernier que j’ai découvert, c’est « permacrise ». Ce terme permet d’exprimer en un mot le fait que nous allons de crise en crise et qu’une crise en chasse une autre ? En effet, avant et après le Covid, il y avait la crise climatique, et depuis février 2022, il y a la guerre en Ukraine, avec, épisodiquement, la menace nucléaire. Décidément, nous n’en finissons pas de passer de crise en crise.
Et nous, là, au milieu, vous mes amis, mes paroissiens, comment vivez-vous ? Comment supportez-vous les tensions que cela suscite d’être perpétuellement en crise ? Êtes-vous paisibles ou angoissés ? Est-ce que votre sommeil en est impacté ?
L’histoire de l’humanité a été rythmée par toutes sortes de crises. L’une d’elles a été la chute de Jérusalem. Lorsque Jésus en parle pour aider les gens à s’y préparer, il ne cache pas que « des hommes rendront l’âme de terreur » (Luc 21,26). Ecoutez plutôt :
Comme quelques-uns parlaient du temple, qui était orné de belles pierres et d’objets apportés en offrandes, Jésus dit :
« Les jours viendront où il ne restera pas pierre sur pierre de ce que vous voyez, tout sera détruit. »
Ils lui demandèrent : « Maître, quand donc cela arrivera-t-il et à quel signe reconnaîtra-t-on que ces événements vont se produire ? »
Jésus répondit : « Faites bien attention à ne pas vous laisser égarer. En effet, beaucoup viendront sous mon nom en disant : ‹ C’est moi ›, et : ‹ Le moment est arrivé. › Ne les suivez [donc] pas.
Quand vous entendrez parler de guerres et de soulèvements, ne vous laissez pas effrayer, car il faut que ces choses arrivent d’abord. Cependant, ce ne sera pas encore la fin. »
Puis il leur dit : « Une nation se dressera contre une nation et un royaume contre un royaume ;
il y aura de grands tremblements de terre en divers endroits, ainsi que des pestes et des famines ; il y aura des phénomènes terrifiants et de grands signes dans le ciel.
[…]
Luc 21,5-11 et 25-28
Il y aura des signes dans le soleil, dans la lune et dans les étoiles. Et sur la terre, les nations seront dans l’angoisse, épouvantées par le bruit de la mer et des vagues.
Des hommes rendront l’âme de terreur dans l’attente de ce qui surviendra sur la terre, car les puissances célestes seront ébranlées.
Alors on verra le Fils de l’homme venir sur une nuée avec beaucoup de puissance et de gloire.
Quand ces événements commenceront à se produire, redressez-vous et relevez la tête, parce que votre délivrance est proche. »
Jésus en parle en réponse à une question des disciples sur la destruction du temple, mais il a en tête d’autres crises, comme celle de la fin des temps. Actuellement, nous ne savons pas si nous sommes proches de la fin des temps, mais nous savons que nous vivons une crise mondiale. Jésus l’a dit, seul le Père sait quand aura lieu la fin de ce monde. De nombreuses fois, dans l’histoire, les humains ont pensé être à la fin des temps, que ce soit en l’an « Mil », lors de la peste bubonique, lors de la Révolution française ou lors des deux guerres mondiales.
L’historien roumain Lucian Boia a écrit un livre en 1999 intitulé La Fin du monde, une histoire sans fin, où il va jusqu’à dire que « La fin du monde a déjà eu lieu ».
Aujourd’hui, nous savons que notre monde va mal, à bien des niveaux. Selon l’expression médicale, nous pouvons dire que « le pronostic vital » de notre monde est engagé.
Alors, dans cette situation, comment ne pas perdre espoir ? Comment trouver les forces pour aller de l’avant malgré tout et prendre les meilleures décisions pour nos vies ?
Dans cette période d’insécurité, j’aimerais partager avec vous quelques versets bibliques qui, personnellement, m’encouragent :
C’est dans le retour à moi et le repos que sera votre salut, c’est dans le calme et la confiance que sera votre force. […] L’Éternel n’attend que le moment de faire grâce, c’est pourquoi il se lèvera pour vous manifester sa compassion. En effet, l’Éternel est un Dieu d’équité. Heureux tous ceux qui comptent sur lui !
Esaïe 30, 15 et 18
« C’est dans le calme et la confiance que sera votre force. » Ce n’est donc pas en laissant l’esprit de panique nous gagner que nous serons forts. Au contraire, la peur, l’angoisse nous font perdre nos forces, nos ressources, alors que le calme et la confiance dilatent nos forces, les démultiplient et nous donnent accès à des ressources insoupçonnées. Oui, c’est dans le calme et la confiance… la confiance en Dieu prioritairement : la confiance qu’il prendra soin de nous et de nos proches ; non qu’il nous épargnera tout, mais qu’au sein de la difficulté, il sera avec nous, il nous aidera.
J’ai fait l’expérience de la manière dont Dieu prend soin de nous pas plus tard que vendredi. Nous étions en France, dans la région de Taizé, lorsque la voiture d’Yvan a calé et a refusé pendant un bon moment de se remettre en marche. Lorsqu’elle a enfin redémarré, il est devenu clair qu’il fallait passer dans un garage, car un voyant s’allumait au compteur. Nous avons été reçus avec beaucoup de gentillesse dans un garage où, bien que la pause de midi ait été entamée depuis longtemps, la secrétaire faisait tout son possible pour nous aider dans le dialogue avec notre assurance en Suisse, puis pour obtenir un taxi, car dans cette région, les transports publics sont inexistants. Mais il y avait un grand concours hippique à Cluny et tous les taxis étaient mobilisés pour cet événement. Grâce à sa persévérance, elle a fini par nous obtenir un taxi afin que nous puissions nous rendre au restaurant où nous avions réservé pour le repas, à Mazille. Mais, depuis cet endroit, nous avions besoin encore d’un autre taxi pour nous rendre à Mâcon pour chercher une voiture de remplacement. Entendant mes tentatives infructueuses pour trouver un taxi, le serveur nous a offert de nous conduire. Je pourrais continuer la liste de tous ces anges que Dieu a mis sur notre route. Certes, nous avons été embêtés, contrariés par cette panne, mais nous avons vraiment la conviction que, dans notre malheur, Dieu a pris soin de nous.
Victor Frankl, professeur de neurologie et de psychiatrie autrichien, qui a connu les camps de concentration, disait que celui qui arrive à garder la confiance malgré l’adversité, a plus de chances que les autres de s’en tirer. Cette confiance, on peut la placer en Dieu, en la nature, en la vie, en l’être humain, etc. ou en toutes ces choses.
Mais faire confiance s’apprend. N’attendons pas le jour de l’épreuve pour nous mettre à faire confiance. Face aux choses qui nous angoissent dans notre quotidien, apprenons déjà à placer notre confiance en Dieu ou en la Vie, et à se reposer en lui, en elle.
Le livre des Lamentations évoque aussi une période de grandes turbulences. Inspirons-nous de ce que dit son auteur :
Voici ce que je veux méditer pour garder espoir :
Lamentations 3,21-26
les bontés de l’Éternel ne sont pas épuisées, ses compassions ne prennent pas fin ;
elles se renouvellent chaque matin. Que ta fidélité est grande !
Je le déclare, l’Éternel est mon bien, c’est pourquoi je veux m’attendre à lui.
L’Éternel a de la bonté pour celui qui compte sur lui, pour celui qui le recherche.
Il est bon d’attendre en silence le secours de l’Éternel.
« Les bontés de l’Éternel ne sont pas épuisées, ses compassions ne prennent pas fin ; elles se renouvellent chaque matin. Que ta fidélité est grande ! » Voilà une parole pleine d’espérance, que j’aimerais vous donner comme un cadeau ce matin. Je ne sais pas si vous écrivez parfois des versets bibliques qui vous font du bien dans votre journal personnel ou sur votre frigo ou près de votre lit, mais je vous y encourage, afin de relire souvent ce verset et de finir même par l’apprendre par cœur. Ou comme disait mon professeur d’hébreu, apprendre « par le cœur », afin que lorsque la peur, l’angoisse essaie de nous gagner, que nous puissions nous rappeler « Les bontés de l’Eternel ne sont pas épuisées, ses compassions ne prennent pas fin ; elles se renouvellent chaque matin ». Ainsi, nous pourrons grandir dans la confiance.
J’aimerais terminer par les paroles d’Olivier Clément qui était écrivain, poète et théologien orthodoxe français, dans son message intitulé « La confiance aura le dernier mot » Il dit ceci : « Le mot “confiance” est un des mots les plus humbles, les plus quotidiens et les plus simples qui soit, mais en même temps l’un des plus essentiels. Au lieu de parler d’ “amour”, d’agapè, ou même de “communion”, de koïnonia, qui sont des mots volumineux, on parlera peut-être de “confiance”, car dans la confiance toutes ces réalités sont présentes. Dans la confiance, il y a le mystère de l’amour, le mystère de la communion, et finalement le mystère de Dieu en tant que Trinité »[1].
Faire confiance n’est pas un oreiller de paresse, ni une manière de se déresponsabiliser face à notre existence. Mais faire confiance fait toute la différence : lorsqu’on fait confiance, on n’avance plus tout seul dans la vie, on avance avec Dieu à nos côtés et cela, ça change tout !
Amen
[1] https://www.taize.fr/fr_article6728.html