Non à la dysmorphophobie !

Jésus aurait-il été un adepte du : « Chacun chez soi et les vaches seront bien gardées » ? Sous-entendant : mieux vaut ne pas trop fréquenter les autres gens. « Tu ne te mêles pas de mes affaires et je ne me mêle pas des tiennes ». Qu’en pensez-vous ?

Est-ce que Jésus ne se mêle pas justement des affaires des autres ? A la différence de ceux que nous craignons, Jésus s’en mêle avec infiniment de bienveillance. Pas le moindre reproche, il ne demande pas à Zachée de changer de profession, de faire quelque chose de plus honorable, rien de tout cela. Le changement de Zachée vient de sa propre initiative. Peut-être avait-il mauvaise conscience et la venue de Jésus dans sa maison, chez lui, dans son intimité, lui donne un déclic, la joie de rembourser, de se montrer juste.

Car oui, Zachée reçoit Jésus. C’était inespéré, voire même pas du tout souhaité ! Zachée voulait simplement le voir ! Peut-être par simple curiosité. Ce qui apparaît assez clairement, c’est que Zachée essaie plutôt de passer inaperçu.

Il faut dire qu’il a un double problème :

  • Il est de petite taille ; c’est peut-être pour lui source de complexes.
  • Il est socialement marginalisé car, bien qu’étant d’origine juive, il est le chef des collecteurs d’impôts. Il soutient donc l’occupant romain !

Méprisé, Zachée est un homme seul ! De plus, il trouve un stratagème pour se rendre invisible : il se tient à l’écart et se place à un autre niveau que la foule des badauds qui viennent voir Jésus. Combien de fois cherchons-nous, comme Zachée, à nous rendre invisible par honte, par malaise face au regard des autres?

Est-ce que Jésus le laisse dans sa honte ? Non ! Non seulement il le fait sortir de l’anonymat, en plus il s’invite chez lui !

Mais pour l’aider dans cette démarche, il y a un détail, qui n’est  pas des moindres : Jésus l’appelle par son prénom. Jésus ne l’expose pas à la risée publique, il lui montre qu’il est QUELQU’UN, qu’il a de la valeur !

Voilà qui est pour nous un modèle : ne pas appuyer sur le clou si quelqu’un a eu un échec que ce soit professionnel, financier, amoureux… Cette personne ne se résume pas à son échec ! Sa valeur personnelle est au-delà ! Elle est intacte !

Parfois, on laisse le regard des autres sur nous-même nous conditionner, comme si on avait une étiquette sur le front : « c’est celui qui a échoué » !

Laissons plutôt le regard de Jésus nous décrire !

Quand, à sa grande surprise, Zachée voit Jésus tourner le regard vers lui, il est bouleversé ! Quel REGARD !

Et l’instant d’après, Jésus lui annonce qu’il aimerait venir dans sa maison ! Physiquement, mais aussi symboliquement : Zachée l’accueille dans sa maison, mais aussi dans son cœur. Et la présence de Dieu en lui nécessite qu’il fasse de la place. Il y a cette mauvaise conscience de Zachée qui sait bien qu’il ne devrait pas encaisser plus que nécessaire, mais qui le fait car il a le goût de l’argent, de la richesse. Mais là, tout à coup, il découvre que le goût de Jésus est meilleur que le goût de toutes les richesses matérielles réunies.

Et Zachée se sent assez libre pour se confier à Jésus. Il lui ouvre son cœur.

Et, sur ce, Jésus lui dit : « AUJOURD’HUI, le salut est entré dans ta maison ! », car Zachée a découvert le bon goût du Royaume de Dieu.

C’est le même « aujourd’hui » que Jésus va prononcer au brigand sur la croix : « Aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis » (Luc 23,43). Pour l’un comme pour l’autre, leur vie ne sera plus jamais la même. Ils sont entrés dans une dimension tout autre. Le salut est entré dans leur cœur, dans leur âme, dans leur être profond. Et peut-être en avez-vous fait l’expérience, notre vie n’est plus jamais la même.

Si Zachée ouvre son cœur à Jésus, c’est qu’en fait Jésus a fait le premier pas et qu’il lui a manifesté un accueil inconditionnel ! C’est la grâce qui a fait tomber toutes les peurs, toutes les barrières dans l’être profond de Zachée.

On découvre ici que Jésus n’accueille pas comme nous accueillons. Il a la sensibilité de discerner chez cet homme un grand besoin d’être aimé, reconnu.

On s’aperçoit aussi que Jésus croit en Zachée, qu’il a confiance en lui, alors même que celui-ci passe pour un voleur.

Jésus ne s’arrête ni à l’apparence de la personne, ni à ses actes.

Vous avez peut-être vu, l’autre jour, l’émission intitulée « Dans la tête… d’un moche ». Ils interviewaient des personnes souffrant de dysmorphophobie, cette maladie liée à l’influence des réseaux sociaux sur la perception de soi. Sans s’en apercevoir, ces jeunes avaient fini par croire que leur apparence physique était problématique. On nous apprenait que 50% des filles et 40% des garçons avaient le sentiment d’être gros, car, à force de regarder des vidéos de personnes ultra maigres, ces corps décharnés étaient devenus leur critère de référence.

J’avais envie de leur dire : « A qui cherchez-vous à plaire ? Ce qui est vraiment important dans la vie, c’est de plaire à Dieu ! Et les critères de poids ne comptent pas pour lui. « Je suis doux et humble de cœur – a dit Jésus – et vous trouverez le repos pour votre âme » (Matthieu 11,29). C’est sa bienveillance qui est source d’apaisement pour nous. C’est pourquoi, donnons la priorité au regard de Jésus sur nous. Car c’est son regard sur nous, comme sur Zachée, qui peut nous aider à nous aimer, à nous accepter.

Et de même qu’il l’a dit à ses disciples, Jésus nous dit aujourd’hui : « Toi, suis-moi ! » Il nous appelle aujourd’hui à le suivre, à nous inspirer de sa manière d’être et d’agir au quotidien. A sa suite, il nous incite à ne pas poser sur l’autre, ni sur soi d’ailleurs, un regard jugeant ! On est tellement programmé pour nous faire une idée des gens en un clin d’œil : on classe, on caricature, on n’aime que ceux qui correspondent à nos critères.

Pour marcher à la suite de Jésus, je vous invite – je nous invite – à demander à Dieu d’ôter de nous le cœur de pierre pour nous donner un coeur de chair (Ezéchiel 36,26), qu’il remplace notre regard facilement jugeant sur nous-même comme sur l’autre, par un regard non jugeant.

Personnellement, je ne crois pas que Jésus taxait les gens à leur habillement, à leur taille ou à leurs piercings. Il regardait les gens droit dans les yeux. Car l’œil est la porte d’entrée de l’âme et on peut discerner plein de choses quant aux besoins profonds de la personne qui est en face de nous, rien qu’en regardant au fond de ses yeux, avec amour.

Tous ensemble, chers sœurs et frères, nous avons un potentiel d’amour immense ! Nous avons la capacité d’offrir à chacune des personnes présentes ici ce matin la sensation véritable qu’elle est vraiment accueillie ! Qu’elle est aimée. Si chacun d’entre nous prend à cœur d’être à son tour porteur de ce regard d’amour du Christ qui vit en nous, plus jamais une nouvelle personne ne repartira de nos temples sans avoir reçu un regard aimant, une parole qui exprime la joie qu’elle ait osé venir s’asseoir parmi nous. Oui, chacun, chacune d’entre nous est appelé à rayonner de l’amour du Christ, qui vit en nous, ceci au temple, le dimanche matin, de même que tous les jours de la semaine également.

Ainsi, comme pour Zachée, chacun pourra expérimenter que aujourd’hui, le salut est entré dans sa maison. L’amour de Dieu l’a rejoint, touché, jusqu’au fond de lui-même. Il ou elle peut savourer le goût extraordinaire du Royaume de Dieu.

Je trouverais intéressant de pouvoir échanger avec chacun de vous concernant ce qui fait que vous êtes ici aujourd’hui. Est-ce qu’un jour vous n’avez pas expérimenté un accueil particulier ? Un amour inconditionnel, qui vous a permis de vous sentir le ou la bienvenu.e dans la paroisse ? Un regard profond, sincère, qui vous a convaincu de votre valeur aux yeux de cette personne et aux yeux de Dieu ?

Zachée a été bouleversé, transformé par ce regard. Il en a été transporté dans une joie extraordinaire. Qu’à notre tour, nous puissions être, les uns pour les autres, empreints de ce regard de Jésus et instruments de joie.

Et quand cela peut-il se passer ? La réponse de Jésus est « aujourd’hui ».

Car aujourd’hui, le salut est entré dans notre maison et un parfum délicieux se répand.

Amen