Dans la tente…

Tipi, hutte, yourte, Wigwam, ou Guittoun, les tentes en tous genre sont à la mode. Qui de nous n’a pas fait des vacances sous tente, de préférence par temps chaud et sec. Toutefois, certains d’entre nous se sont peut-être retrouvés la tente inondée après un gros orage ou pire encore, à cinquante mètres de leur tente lorsqu’un bon coup de vent l’avait emportée.

Si les aventures sous tente font partie du fun des vacances, nous aurions parfois tendance à oublier qu’il fut un temps où on habitait sous tente quelle que soit la saison, qu’il y fasse chaud ou froid. Le peuple de la Bible habitait tout d’abord sous tente et était nomade. La tente avait l’avantage d’être assez vite démontée et remontée. Chaque année, les Juifs vivent une semaine sous tente afin de se rappeler le temps où ils étaient pèlerins au travers du désert égyptien et où ils avaient rencontré Dieu. C’est la fête de Soukkots, terme qui vient de la soukkah, la tente.

On nous dit même que Dieu a habité sous tente, en allusion au temps où l’arche de l’alliance, qui symbolisait la présence de Dieu, était placée dans une très belle tente, avec des couvertures tissées de fils de grande valeur, le tabernacle. Ce terme nous vient du latin « tabernaculum » qui signifie « tente » ou « hutte ». La tente, c’est le lieu de la rencontre avec Dieu. Les catholiques ont repris ce terme pour indiquer le lieu où ils conservent les hosties consacrées. Alors, bien sûr, la tente n’a pas en soi une puissance miraculeuse pour nous aider à nous approcher de Dieu. Mais, la prochaine fois que vous irez sous tente, je vous invite à avoir une petite pensée pour le peuple hébreux, pour qui c’était le lieu de la rencontre avec Dieu. Qui sait si cela ne sera pas également pour vous le lieu d’une rencontre avec Lui !

Nous le verrons, Esaïe et Paul ont eux aussi recours à la même image, celle de la tente. On pourrait croire que c’est une métaphore un peu anecdotique. Mais on s’aperçoit qu’au centre même de la foi chrétienne, dans le prologue de Jean, elle réapparaît dans la fameuse phrase : « La parole a pris chair », littéralement « parmi nous, elle a planté sa tente ». C’est vraiment la proclamation que, en Jésus-Christ, Dieu habite au milieu de nous !

Dans les temps bibliques, les tentes étaient faites soit de peaux d’animaux, soit tissées de poils de chèvre ; or, comme celles-ci étaient généralement noires tachetées de blanc, les tentes avaient par conséquent une couleur foncée. Tisseur de toiles de tente était un métier à part entière, que l’apôtre Paul exerçait. Les toiles étaient ensuite fixées au moyen de cordes et de pieux. On imagine la force qu’il fallait pour les tendre, tant elles devaient être lourdes !

Dans le livre d’Esaïe, au chapitre 54, Dieu s’adresse à une femme abandonnée par son mari, et, de ce fait, considérée comme déficiente à cette époque. Elle n’a plus d’enfants, elle est donc seule pour tenter de survivre à l’humiliation, au déshonneur, dans une toute petite tente. Dieu lui lance un appel à néanmoins agrandir l’espace disponible. C’est à un acte de foi qu’il l’appelle, car elle ne sait pas encore qui va venir partager sa tente. Ce qu’elle peut pressentir, c’est qu’elle ne sera plus seule, que sa honte lui sera ôtée ! Elle est donc invitée à acquérir des toiles supplémentaires – sans regarder à la dépense, nous est-il précisé – à les tendre, rallonger ses cordes, consolider ses piquets. Plus les toiles sont grandes, plus elles ont de la peine à résister aux vents violents qui soufflent dans le désert ; c’est donc aussi un appel à résister que Dieu lui lance. Un appel à exister !

On croit parfois, parce que notre tente, symbolisant notre vie, est rabougrie, rétrécie, que tout est perdu ! Or, nous voyons que Dieu redonne une espérance de prospérité à cette femme, comme il peut le faire pour nous, même lorsque tout semble désespéré.

L’image de la tente, le faiseur de tentes, qu’est l’apôtre Paul, l’utilise aussi pour parler de notre corps. Il laisse entendre que, pendant le temps de notre vie terrestre, notre être profond serait protégé par une sorte de tente au caractère éphémère. Paul invite donc à ne pas se décourager si notre être extérieur se détériore – entendez par là si nos articulations commencent à siffler et que notre corps n’est plus aussi beau qu’à nos vingt ans – car, pour lui, l’important est que notre être intérieur se renouvelle de jour en jour (2 Corinthiens 4,16).

Pour Paul, notre tente est cette partie de nous qui est appelée à s’envoler par le coup de vent que représente le passage de la mort, afin que soit révélé l’édifice qui est, au fond de nous-mêmes, l’œuvre de Dieu. Encore faut-il que nous laissions à Dieu le privilège d’accomplir son œuvre en nous : œuvre de restauration, de renouvellement, grâce à notre relation intime et avec Lui.

Par moments, Paul parle de revêtir notre habitation céleste, afin que « ce qui est mortel soit englouti par la vie » (2 Corinthiens 5,4). Par-là, il nous invite à unir notre vie à la sienne afin que sa vie prenne toute la place en nous. C’est ainsi que nous n’avons pas à craindre d’être trouvés « nus ». Expression étrange qui fait probablement allusion au jardin d’Eden. Le contraire de la nudité, selon les Pères de l’Église, c’est d’être revêtus de la justice Dieu.

Tout en nous réjouissant de quitter cette tente pour aller demeurer auprès du Seigneur, notre ambition devrait être de lui plaire, sachant qu’un jour la justice de Dieu sera manifestée : les injustices dont nous avons été victimes sur cette terre seront rétablies, toutes les bonnes actions pour lesquelles nous n’avons peut-être pas été récompensés seront mises en évidence et tout, en nous, sera évalué à sa juste valeur.

Il ne faudrait toutefois pas mépriser la tente qu’est notre corps, comme on l’a trop longtemps supposé par le passé. En effet, une tente en mauvais état, déchirée, mal entretenue, nous abrite mal. Nous sommes donc appelés à en prendre soin, afin que nous puissions accomplir chacun notre vocation sur cette terre. À tout âge, notre Dieu a besoin de nous et notre tente n’est jamais trop vieille pour que le Seigneur en ait besoin. Ne perdons donc pas courage !

Au début de cette épître, Paul a évoqué une épreuve où il pensait qu’il allait mourir. Il a accepté cette perspective dans la confiance en Dieu, le Dieu de la résurrection. Ayant fait ce chemin d’acceptation, il n’a plus peur de la mort.

À notre tour, aspirons à revêtir notre domicile céleste par-dessus notre tente terrestre ! En d’autres mots, accueillons un bout d’éternité dans cette vie marquée par la précarité.

Amen

Image par riya mishra de Pixabay