Parfois nous pensons qu’avoir la foi, c’est chercher à avoir des réponses à toutes nos questions existentielles.
Aujourd’hui, j’aimerais vous inviter à voir les choses par l’autre bout de la lorgnette : et si, avoir la foi, c’était laisser Dieu questionner nos réponses. Cela signifie qu’il faudrait avoir suffisamment confiance en lui pour le laisser remettre en question les réponses que nous avons apportées à certaines grandes questions de l’existence.
Prenons un exemple : j’ai fait faillite. On m’a trompé. Mes collaborateurs se sont détournés de moi. Ils m’ont traîné dans la boue. J’ai des problèmes financiers sans nom. Quel est ce Dieu qui m’envoie tout ça ? Cela ne va pas bientôt suffire ? Dans une telle situation, la réponse à la question : «Pourquoi est-ce qu’il m’arrive cela ? » m’a amené à donner une réponse qui dénote une image totalement hideuse de Dieu, une image répugnante de lui.
Comment puis-je affirmer cela ? Parce que cette image ne colle pas du tout avec l’image de Dieu telle que Jésus a essayé de le faire connaître au cours de son ministère sur la terre. Cette réponse me semble être imprégnée d’une vision de Dieu tirée de certains textes de l’Ancien Testament que, précisément, Jésus a essayé de contrer par son enseignement, de même que par sa manière d’être et d’agir.
Personnellement, j’ai découvert la foi dans un milieu qui valorisait beaucoup la Bible. L’inspiration biblique avait un côté sacré. Chaque mot, chaque virgule était considérée comme inspirée. Or, en étudiant la théologie, je me suis aperçue que certains termes pouvaient être traduits de plusieurs manières, que les virgules pouvaient parfois être déplacées et ainsi aider à l’expression du sens du texte hébreu ou grec, à l’origine de nos traductions. J’ai donc compris que, Dieu a assurément inspiré :
- Les personnes dont nous parle la Bible, pensons à des gens comme Abraham, Moïse, Elie, de même que tous les autres témoins de la foi,
- Qu’il a inspiré les personnes qui ont transmis ces récits. On sait qu’il y avait à l’époque une culture de l’oralité ; on racontait les récits bibliques le soir au coin du feu pour les transmettre de génération en génération.
- Et qu’il a inspiré les rédacteurs de la Bible lorsqu’ils ont décidé de mettre par écrit ces récits pour ne pas qu’ils soient oubliés.
Néanmoins, chacune de ces personnes était influencée par les mentalités ambiantes, de même que par sa propre compréhension, si bien que l’inspiration n’est pas pure. La Bible n’est pas tombée du ciel, ce sont des humains qui l’ont écrite. Certains textes nous transmettent donc parfois une image de Dieu détestable, raison pour laquelle Jésus est venu pour affiner notre perception de Dieu. Il est donc important de lire la Bible avec la bonne nouvelle de Jésus comme point de référence.
Tout comme les Pharisiens, on peut avancer dans la vie avec une image faussée de Dieu et néanmoins la conserver, car on se dit que c’est « la Vérité », puisque c’est écrit dans la Bible. Pourtant, certaines images de Dieu peuvent nous amener à vivre dans un esprit de culpabilité constante, voire dans un état dépressif, si bien qu’il est important de démasquer ces images de Dieu que l’on peut considérer comme faussées. Ce n’est qu’à ce prix que notre foi sera vraiment porteuse de Vie pour nous et nous conduira dans une relation d’amour et de confiance avec Dieu. Pour cela, je vous invite à oser remettre en question certaines images vraiment moches de Dieu.
Je ne vais pas pouvoir aujourd’hui aborder toutes les fausses images que nous pouvons avoir de lui, je vous invite à y réfléchir pour vous-mêmes, mais j’aimerais en aborder une. J’en aborderai d’autres ces prochains temps, à Pâques par exemple.
Prenons aujourd’hui ce texte où Jésus parle de la catastrophe qui a eu lieu à Siloé : une tour s’est effondrée en tuant huit personnes ! Un terrible accident de chantier dont on parlait visiblement beaucoup ces temps-là, car, même si on n’avait ni la télévision ni internet, les nouvelles allaient vite. Et visiblement, Jésus reprend cet événement qui fait les gros titres de l’actualité, car la manière de vivre cette catastrophe en disait long sur l’image de Dieu que les gens s’en faisaient : « Pensez-vous que ces huit personnes étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ? » Si Jésus soulève ce problème c’est que peut-être les gens disaient : « Qu’ont-ils donc fait ? Ils ont sûrement péché gravement contre Dieu pour mériter une telle mort ! ». Si bien que Jésus leur répond : « Non ! Cela n’a rien à voir avec le fait qu’ils auraient péché ! ». Lorsque le mal nous affecte, ce n’est donc pas Dieu qui nous envoie un missile !
Jésus aimerait arracher du crâne de ses interlocuteurs cette image faussée de Dieu car, dit-il, « si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de la même manière ». En d’autres mots : changez votre conception de Dieu, sans quoi « vous périrez tous de la même manière », c’est-à-dire que vous allez vous épuiser à penser que tout ce qui vous arrive de négatif vous est envoyé par Dieu, ce qui va vous éloigner de Dieu. Or, se détourner de Dieu, c’est la seule véritable mort. Dieu ne s’éloigne pas de nous, mais c’est nous qui avons endurci notre cœur et qui avons pris distance de lui. C’est compréhensible, car une telle image de Dieu n’a rien d’aimable et d’attirant. Alors, dit Jésus, cessez de vous placer sous la chape d’un dieu vengeur, car ce n’est pas ce Dieu là que je suis venu vous révéler, c’est tout le contraire !
En effet, par toute sa vie, Jésus s’engage à confronter les images hideuses de Dieu qui avaient cours à son époque, au point que les hommes vont se mettre à le détester jusqu’à le clouer sur une croix pour le faire taire. Par-là, Jésus démontre que Dieu est prêt à tout donner pour nous sauver et nous donner accès à la vie éternelle en sa présence.
L’objectif de chacun des miracles de Jésus, de ses guérisons, de ses enseignements, est de révéler qui est Dieu, quitte à faire en sorte que ses auditeurs modifient l’image qu’ils se font de Dieu. Après la mort de Jésus, Paul prend le relai et tente à son tour de modifier l’image que les jeunes croyants ont de Dieu. Dans le texte de Romains 8, Paul reprend des questions que, probablement, les chrétiens de la jeune Église se posaient. On pourrait penser qu’ils avaient dû apprendre ces réponses par cœur comme pour modifier une image ancienne et hideuse qu’ils avaient de Dieu.
Peut-être que certains d’entre eux croulaient sous le poids de la culpabilité. Une fausse culpabilité. Car si nous avons une saine culpabilité, on peut reconnaître son erreur, demander pardon à la personne à qui nous aurions fait du tort, demander pardon à Dieu et accueillir la libération de notre cœur. Mais peut-être étaient-ils abattus par un sentiment confus que j’appelle de la fausse culpabilité, pensant constamment qu’ils étaient de mauvaises personnes, incapables de faire les choses bien. Pour traiter cette culpabilité lancinante, Paul invite la communauté de Rome à découvrir Dieu autrement. Au lieu de penser que Dieu est constamment à l’affût de toutes leurs failles, il les appelle à découvrir un Dieu qui, au contraire, est en leur faveur, qu’il se place de leur côté : « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? » Leur dit-il. Peut-être étaient-ils accusés par des frères et sœurs dans la foi. Ils étaient abattus, découragés. Mais Paul les encourage à réaliser que Dieu leur est favorable : « Arrêtez d’imaginer que Dieu vous veut du mal ! Au contraire, Dieu est en votre faveur ! Certes, peut-être que des gens sont contre vous, mais laissez-les dire ! Ce qui compte, c’est le regard de Dieu sur vous. Or, son regard est bienveillant, compatissant et non jugeant ». C’est libérateur, n’est-ce pas ?
La question suivante à laquelle notre texte se propose de répondre : « Qui nous séparera de l’amour du Christ ? Les critiques ? Les jugements des autres ? Nos remords, nos regrets ? Nos problèmes personnels ? » A cela Paul répond par cette phrase magistrale : « Ni la mort ni la vie, ni les anges ni les Autorités, ni le présent ni l’avenir, ni les puissances, ni les forces des hauteurs ni celles des profondeurs, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ, notre Seigneur.»
Alors, chers amis, chers frères et sœurs, je nous invite tous – moi aussi, car nous ne sommes jamais au bout de ce travail de purification de nos images de Dieu – à laisser Dieu questionner les réponses que nous avons apportées aux grandes questions de l’existence. Osons remettre en question l’image de Dieu qui transparaît de nos réponses. Car peut-être nous sommes-nous fait une image taillée de Dieu, une sorte d’idole, au point que Dieu ne s’y retrouve pas, lui-même ! Si bien que nous nous heurtons à un Dieu de pierre, comme à une statue, qui ne vit pas !
Le Dieu que nous révèle Jésus-Christ est vivant et tout amour. Laissons donc mourir en nous toutes les images contraires que l’on nous a peut-être inculquées, afin de venir tout à nouveau au Dieu que Jésus-Christ nous révèle. Et laissons-le nous entourer de ses bras d’amour.
Tout comme les chrétiens de Rome, nous avons peut-être besoin d’apprendre par cœur certaines réponses, comme par exemple : « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? », afin que cette réponse vienne remplacer en nous l’impression que Dieu serait prompt à être contre nous. Si nous ressentons que c’est un enjeu pour notre foi, nous pouvons écrire cette phrase sur un Post-it et le coller, par exemple sur notre porte de chambre, afin que chaque matin nous le lisions lorsque nous nous levons. Ainsi, peu à peu, notre image de Dieu va pouvoir évoluer.
Je vous invite donc à nous ouvrir à ce Dieu dont la priorité n’est pas tant, à mon avis, de venir répondre à toutes nos questions, mais qui a très à cœur de remettre en question certaines de nos réponses mortifères qui risquent de nous éloigner de lui et de nous-mêmes.
Amen
Hymne à l’amour de Dieu, en Romains 8, 31-39
Q : Que dire de plus ? Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ?
Q : Lui qui n’a pas épargné son propre Fils, mais l’a livré pour nous tous, comment, avec son Fils, ne nous donnerait-il pas tout ?
Q : Qui accusera les élus de Dieu ?
R : Dieu justifie !
Q : Qui condamnera ?
R : Jésus Christ est mort, bien plus il est ressuscité, lui qui est à la droite de Dieu et qui intercède pour nous !
Q : Qui nous séparera de l’amour du Christ ? La détresse, l’angoisse, la persécution, la faim, le dénuement, le danger, le glaive ?
R : Il est écrit : A cause de toi nous sommes mis à mort tout le long du jour, nous avons été considérés comme des bêtes de boucherie. Mais en tout cela, nous sommes plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés.
Oui, j’en ai l’assurance : ni la mort ni la vie, ni les anges ni les Autorités, ni le présent ni l’avenir, ni les puissances, ni les forces des hauteurs ni celles des profondeurs, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ, notre Seigneur.
L’urgence de la conversion en Luc 13,1-5
1A ce moment survinrent des gens qui lui rapportèrent l’affaire des Galiléens dont Pilate avait mêlé le sang à celui de leurs sacrifices.
2Il leur répondit : « Pensez-vous que ces Galiléens étaient de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens pour avoir subi un tel sort ?
3Non, je vous le dis, mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même.
4« Et ces dix-huit personnes sur lesquelles est tombée la tour à Siloé, et qu’elle a tuées, pensez-vous qu’elles étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ?
5Non, je vous le dis, mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de la même manière. »
Image par Glauco Gianoglio de Pixabay