Bienvenue à vous pour ce culte !
En ce premier dimanche de l’Avent, je vous invite à un temps de réflexion, de méditation en lien avec la personne d’une femme, Rahab, dont vous trouverez le récit en Josué 2.
Quelqu’un me disait pas plus tard qu’hier : avec tout ce que j’ai fait de mal, il n’est pas possible que Dieu me pardonne ! La jeune femme qui me confessait cela avait, en effet, commis pas mal d’actes graves, dont certains gravissimes. Bien qu’elle arrivait à croire que même un Hitler puisse être pardonné par Dieu, elle n’arrivait pas à croire que Dieu puisse lui pardonner, à elle.
Qu’en est-il de Rahab ? Rahab est une femme dont nous trouvons la trace au moment où le peuple d’Israël, après avoir passé quarante ans dans le désert du Sinaï, s’apprête à entrer en terre promise. Moïse, qui dirigeait le peuple jusque-là, vient de mourir et son successeur, Josué, manque d’assurance, manque de foi dans le Dieu qui, pourtant, leur a promis la victoire. Il envoie donc devant eux deux espions.
Ceux-ci, loin d’être discrets, entrent dans la ville de Jéricho et se font tout de suite repérer. Le roi envoie des hommes pour les faire arrêter. Lorsque ceux-ci disent à Rahab que ces espions sont venus pour explorer le pays, elle prétend ne pas savoir d’où ils sont ; puis, pour éviter que ces hommes ne les trouvent, Rahab les oriente sur une fausse piste. En fait, Rahab sait très bien qui sont ces hommes, même si eux ne savent pas vraiment ce qu’ils sont venus faire ici. On peut en effet s’étonner qu’au mandat de Josué d’aller voir le pays de Canaan, ces deux hommes filent droit chez une prostituée.
Rahab est une femme célibataire, peut-être rejetée par son mari, elle n’a, à cette époque, pas d’autre moyen de subsistance que la prostitution. Son nom « Rahab » signifie large, peut-être pour exprimer l’ouverture de son corps aux hommes de passage. On peut se demander si les deux espions ont des relations sexuelles avec elle. Le texte ne le précise pas, ce n’est pas son propos, mais habituellement, dites-moi, que font des hommes dans la maison d’une prostituée ?
Cette femme va se révéler être une fine stratège : elle cache les deux espions et conclut une alliance avec eux afin qu’au moment de l’invasion, elle soit protégée, ainsi que sa famille. Ce qu’elle leur dit à ce moment-là est bouleversant. Elle, qui prétend ne pas savoir d’où ils sont, en sait en fait beaucoup sur eux, ou plutôt sur le Dieu qu’ils servent : elle sait que le Seigneur leur a donné son pays, Canaan, qu’il a fait de grands miracles pour que leur peuple soit libéré de l’emprisonnement en Égypte et parvienne au seuil de la terre promise, leur accordant la victoire sur chacun des peuples qu’il a rencontrés sur son chemin. Elle exprime un sentiment de peur et de profond respect face à ce Dieu. Elle dit : En entendant parler de tout ce que le Seigneur a fait pour vous, « notre courage a fondu ; chacun a le souffle coupé devant vous, car le Seigneur, votre Dieu, est Dieu là-haut dans les cieux et ici-bas sur la terre. » (Josué 2,11).
Cette femme semble mieux connaître le Dieu d’Israël que les espions eux-mêmes. Elle sait qu’il est un Dieu puissant, qui combat pour les siens. Elle a une admiration immense pour ce Dieu. On a l’impression que c’est elle qui booste la foi des espions au point que ce sont les paroles de cette femme qu’ils vont rapporter à leur chef, Josué ; et la foi de Josué va elle-même en être fortifiée puisqu’il répète : « Vraiment, le Seigneur a livré tout le pays entre nos mains et même tous les habitants du pays ont tremblé devant nous ». Cette femme va être donnée en modèle de foi jusque dans le Nouveau Testament, en Hébreux 11,31.
Flavius Josèphe, un historien du début de notre ère, de même que le Targum (une version de l’Ancien Testament avec des commentaires en araméen datant de la captivité du peuple en Babylone, vers 550 av. J.-C), ont voulu faire d’elle une aubergiste car, probablement, son statut de prostituée dérangeait. Eh oui, comment pourrait-on concevoir qu’une prostituée soit un modèle de foi ?
Non seulement elle connaît le nom du Dieu d’Israël tel que révélé à Moïse (Exode 3), mais, en plus, elle parle comme si la victoire sur son propre peuple était déjà un fait accompli. Elle va jusqu’à affirmer que le Seigneur YHWH est Dieu au ciel et sur la terre, une affirmation que seuls Moïse (Deutéronome 4,39) et Salomon (1 Rois 8,23) ont prononcée dans la Bible.
Est-elle seulement une fine stratège ou est-ce que sa confession de foi est sincère ? S’agit-il d’une véritable conversion d’une femme qui renonce à adorer les dieux cananéens pour adorer le Dieu d’Israël ? Difficile à savoir. Toujours est-il que cette proclamation de la suprématie du Dieu d’Israël va faire d’elle un exemple de foi au travers des siècles ; non seulement elle et sa famille vont être assimilés au peuple d’Israël après l’invasion de Jéricho, mais le nom de cette prostituée va être intégré dans la généalogie de personnages clefs de l’histoire du judaïsme et du christianisme, comme ancêtre de David et de Jésus (Matthieu 1,1-17).
Si le fait que cette femme ait été une prostituée a pu gêner, nous l’avons vu, au travers de l’histoire – le Lévitique considérant qu’une femme prostituée est impure (Lévitique 21-7-11) – nous ne voyons aucune condamnation du métier de Rahab ni dans ce texte, ni dans les textes du Nouveau Testament parlant d’elle. Toujours, sa foi est mise en avant. C’est même le cas de l’épître de Jacques qui fait l’éloge de Rahab, la prostituée, et relève même la qualité de ses œuvres. Nous ne trouvons pas l’ombre d’un reproche pour son activité de prostituée, ni pour son mensonge. Certes, elle a menti pour mettre à l’abri ses deux protégés. Elle a voulu bien faire, me direz-vous ! Est-elle excusable pour autant ? Eh bien, malgré tout, l’épître de Jacques la place parmi les justes, du fait qu’elle a accueilli les messagers et les a fait partir par un autre chemin (Jacques 2, 25).
Et nous, aujourd’hui, qu’est-ce qui nous rend justes ? Est-ce que ce sont ses actes ? Nos bonnes actions permettraient-elles que nous soyons du bon côté ? Rahab, elle, malgré ses actions qui n’étaient pas toujours reluisantes, a saisi l’occasion qui se présentait à elle, de dire ce qu’elle ressentait de ce peuple et de son Dieu. Ce qui compte et qui est déterminant, c’est sa foi et son action en faveur de l’accomplissement du projet de Dieu pour son peuple. Cela permet de faire table rase sur tout le reste.
La foi de Rahab est remarquable, car elle ose se distinguer de la spiritualité de son clan, de son peuple pour adhérer à une autre foi. Pourtant, à l’époque, on ne valorisait pas la foi personnelle comme actuellement. Elle se permet de faire, ce que peu d’autres personnes auraient osé de son temps.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Est-ce que, comme elle, nous osons nous distinguer de la foi – ou de la non-foi – de notre clan, de notre famille ? Si nous venons d’un milieu athée, ou qui remet volontiers en question la crédibilité de la foi chrétienne, osons-nous choisir un chemin différent qui nous convainc, tout comme Rahab était convaincue par cet autre Dieu ?
Dieu, tel que Jésus-Christ est venu nous le révéler, n’est pas un Dieu qui fait le décompte de nos fautes et les met sur une balance pour estimer si nous sommes dignes de son Royaume. Jésus-Christ est venu en ce monde pour nous enseigner un Dieu d’amour, qui ne comptabilise pas nos fautes comme le pensait cette femme que j’ai vue hier, mais qui s’est révélé par l’amour manifesté à la Croix. Il vient nous libérer et nous ouvrir à la vraie Vie. Le Dieu de Jésus-Christ nous invite à le choisir et à le servir, comme l’a fait Rahab.
Je vous invite à prier :
Seigneur,
Merci pour Rahab, pour le modèle qu’elle représente pour nous aujourd’hui. Merci pour sa foi, pour sa détermination, pour la finesse de sa pensée. Elle a su user de stratégie pour une bonne cause et l’histoire ne l’a pas oubliée. Toi non plus, assurément.
Aide-nous, à notre tour, à user de notre intelligence pour faire de bonnes actions. Comme Rahab, nous voulons ouvrir nos yeux sur qui tu es et t’adorer, te louer pour tous tes hauts faits.
Toi qui affirmes dans ta Parole que « les prostituées nous précéderont dans le Royaume de Dieu » (Matthieu 21,31), aide-nous à ne pas placer les soi-disant péchés d’ordre sexuel au-dessus de la foi. Merci parce que rien « ne peut nous séparer de l’amour de Dieu, manifesté en Jésus-Christ. » (Romains 8,38)
Dans les difficultés de nos vies, aide-nous à ne pas t’attribuer la cause des malheurs de notre monde, mais à voir ton action au sein même de ces choses parfois terribles. Que nos pensées ne nous séparent pas de toi !
Nous te remettons en particuliers toutes les personnes qui, actuellement, sont atteintes par le Covid 19. Nous te confions leurs familles, leurs proches, afin que tu les soutiennes et que tu renouvelles leur foi en toi.
Nous te confions notre rapport à la mort, afin que tu nous aides à acquérir ton regard sur la vie comme sur la mort ; merci car toi, tu vois nos vies dans une perspective éternelle. Fais grandir notre foi, pour que nous n’ayons qu’un seul désir, te suivre et te servir en ce monde. Fais-nous découvrir le bonheur de vivre dans la perspective de la vie éternelle que nous espérons avoir le privilège de vivre avec toi, dans ton Royaume.
Et avec tous ceux qui t’aiment, t’ont aimé et t’aimeront, nous voulons prononcer cette prière que Jésus a enseignée à ses disciples :
Notre Père qui es aux Cieux
Que ton Nom soit sanctifié
Que ton Règne vienne
Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel
Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour
Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés
Et ne nous laisse pas entrer en tentation
Mais délivre-nous du mal
Car c’est à toi qu’appartiennent
le règne, la puissance et la gloire,
aux siècles des siècles.
Amen
Et, pour vous tous qui m’avez suivie aujourd’hui pendant ce culte,
Que le Seigneur vous bénisse et qu’il vous garde,
Qu’il vous remplisse de son Esprit,
Qu’il vous comble de sa présence
Et vous fasse vivre de la force de son amour !
Amen