Culte vécu au temple de Colombier sur la base du texte de 2 Corinthiens 4, les versets 5 à 10.
5 Nous ne nous prêchons pas nous-mêmes; c’est Jésus Christ le Seigneur que nous prêchons, et nous nous disons vos serviteurs à cause de Jésus.
6 Car Dieu, qui a dit: La lumière brillera du sein des ténèbres! a fait briller la lumière dans nos cœurs pour faire resplendir la connaissance de la gloire de Dieu sur la face de Christ.
7 Nous portons ce trésor dans des vases d’argile, afin que cette grande puissance soit attribuée à Dieu, et non pas à nous.
8 Nous sommes pressés de toute manière, mais non réduits à l’extrémité; dans la détresse, mais non dans le désespoir;
9 persécutés, mais non abandonnés; abattus, mais non perdus;
10 portant toujours avec nous dans notre corps la mort de Jésus, afin que la vie de Jésus soit aussi manifestée dans notre corps.
Lorsqu’on achète un objet, un produit quelconque, on peut être surpris par le volume et le côté sophistiqué de son emballage. Et cet emballage s’avère bien souvent plus prometteur que le contenu. Il arrive même que l’emballage coûte autant, voire même davantage que le produit lui-même.
Mais au-delà des produits de consommation et des objets, l’apparence joue aussi un rôle important au niveau des relations interpersonnelles. On se fait vite une idée d’une personne à partir de son physique, de sa tenue vestimentaire, de sa manière de se tenir et de s’exprimer, aussi d’après la fonction qu’elle occupe et les prestations qu’elle est à même de réaliser.
En somme, tant les œuvres qu’une personne accomplit que l’image qu’elle donne d’elle-même s’avèrent extrêmement importantes, voire déterminantes pour l’opinion que nous nous ferons d’elle et pour la place que nous serons prêts à lui accorder.
Dans un monde qui obéit toujours davantage à des règles d’efficacité, dans un monde où la fragilité et l’échec mettent en marge de la société, il s’agit de se montrer performant et de cultiver son image pour exister aux yeux des autres, aux yeux du monde. Et à défaut de l’être, il s’agit de paraître, joyeux, dynamique, souple, innovateur, sûr de soi, en pleine forme, rayonnant. Au fond : l’humain est appelé à produire de l’apparence pour être reconnu, pour exister, pour avoir de la valeur.
Ou devrais-je dire, l’humanité se condamne à porter un masque, à produire de l’apparence, des emballages, ou des carapaces.
N’y a-t-il pas un côté dramatique au fait de s’évertuer à porter de beaux masques et de devoir se rendre compte, tôt ou tard, non seulement qu’ils ne résistent pas à l’épreuve du temps, mais encore que ce qui se cache derrière peut s’avérer moins reluisant que le masque lui-même ?
Si le problème est actuel, il n’est toutefois pas nouveau. Dans les lignes de l’apôtre Paul adressées aux Corinthiens que nous avons entendues tout à l’heure, nous sentons un ton polémique. En effet, Paul est amené à justifier sa fonction à cause d’adversaires qui discréditent son ministère au sein de la communauté de Corinthe.
Pour ces adversaires, ou ces super-apôtres comme Paul lui-même les qualifie, la spiritualité implique du visuel et du sensationnel, des actes extraordinaires et des discours éloquents. La souffrance, la faiblesse, la fragilité ou encore l’échec n’entrent pas dans cette perspective ; au contraire, ils suscitent le mépris.
En somme, ces super-apôtres s’imposent aux corinthiens en mettant en avant une apparence glorieuse… ce qui ne manque pas de séduire la communauté et de remettre en question jusqu’à la légitimité même du ministère de l’apôtre Paul.
En effet, ce dernier ne correspond pas à ce profil de super apôtre. Dans notre texte, il décrit sa situation de la manière suivante : pressé, dans des impasses, pourchassé, terrassé. Il va même jusqu’à dire : « sans cesse, nous portons dans notre corps l’agonie du Christ ». Plus loin dans cette épître, il dira : « nul pour l’éloquence, soit », et « il a été mis une écharde dans ma chair »
Paul donne donc l’image peu glorieuse d’un homme à problèmes, qui n’a pas de talent d’orateur et qui souffre apparemment d’un handicap ; il n’a rien pour plaire… mais comme il le dit lui-même, il ne cherche pas à plaire, mais à proclamer l’Évangile : « Ce n’est pas nous-mêmes, mais Jésus Christ Seigneur que nous proclamons ».
Pour Paul, la foi chrétienne casse cette logique très humaine de l’apparence qui donne de la valeur aux choses, aux personnes et à leurs actions ; pour lui, la foi chrétienne dépasse la recherche de légitimation de l’existence humaine par des œuvres reluisantes dans la mesure où elle se concentre autour du Christ crucifié.
Tout comme Paul n’est pas un super apôtre et ne veut pas l’être, nous n’avons pas à être des surhommes ou à attendre des autres d’être des surhommes, parce que Dieu s’offre à nous, à notre humanité dans tout ce qu’elle a de plus profond et de plus fragile.
Et c’est là, au cœur de notre humanité, avec ses détresses, ses souffrances, ses échecs, ses déchirures, qu’apparaît la lumière qui illumine les ténèbres ; là, et non pas dans une apparence reluisante.
Paul exprime cela de la manière suivante : « Car le Dieu qui a dit: que la lumière brille au milieu des ténèbres, c’est lui-même qui a brillé dans nos cœurs pour faire resplendir la connaissance de sa gloire qui rayonne sur le visage du Christ. Mais ce trésor, nous le portons dans des vases d’argile pour que cette incomparable puissance soit de Dieu et non de nous.».
En d’autres termes, Paul rappelle que l’essentiel se situe non pas dans l’extériorité, mais dans l’intériorité. Il nous appelle à nous accepter tels que nous sommes, comme des vases d’argiles, fragiles et friables. Et c’est au sein même de cette fragilité, au plus profond de nous-mêmes, que nous pouvons découvrir cette formidable force de vie que Dieu suscite en nous, cette lumière que Dieu fait briller dans nos cœurs, lumière qui illumine, qui transfigure tout notre être.
Ce débat autour du lien entre la foi et l’apparence, entre la foi et ses manifestations visibles, se poursuit au-delà de la communauté de Corinthe et du premier siècle.
Cette attente de manifestations extraordinaires qui caractérise l’engagement de ceux que Paul qualifie de super-apôtres reste actuelle. Beaucoup de personnes attendent de la foi des résultats très concrets et mesurables. La foi devrait bouleverser les choses sur les plans matériel et visible ; les prières devraient faire disparaître les souffrances et les détresses.
Si beaucoup, déçus par des attentes non comblées se détournent de Dieu, d’autres trouvent leur place dans des communautés chrétiennes qui encouragent cette conception de la foi spectaculaire.
Pour Paul, la question n’est pas de savoir ce qui est possible ou impossible à Dieu. Mais en faisant allusion à la création avec l’image de l’argile et en rappelant : « le Dieu qui a dit: que la lumière brille au milieu des ténèbres », il nous appelle à nous souvenir que Dieu nous a créé tels que nous sommes et à accepter notre condition de créatures de Dieu ; il nous appelle à accepter notre condition humaine que Dieu lui-même a assumé jusque dans ses plus sombres retranchements.
Et en acceptant dans la confiance ce qui est, et en renonçant à nous focaliser sur les apparences ou encore, en renonçant à justifier notre existence en produisant de l’apparence, nous découvrons un trésor… dans le vase d’argile que nous sommes. C’est ainsi que notre regard sur le monde, sur la vie et sur nous-mêmes peut s’illuminer, se transfigurer, à la lumière du Christ qui nous ouvre à la vie, envers et contre tout, et au-delà de la mort.
A l’extrême inverse d’une foi qui dépend de manifestations extraordinaires et spectaculaires, il y a le dolorisme, cette manière de considérer la souffrance et la misère comme salutaire, une compréhension qui a marqué le christianisme et qui suscite des attentes de certains à l’égard des membres de la communauté chrétienne. Il faudrait souffrir, être pauvre et misérable, pour être proche de Dieu et pour véritablement témoigner de l’Évangile, à l’instar de Paul ou du Christ lui-même. Mais là encore, n’est-ce pas une manière de rechercher Dieu dans une forme d’apparence ?
Je ne pense pas que Paul fasse l’apologie de la souffrance ou de la misère ; il n’essaye pas de mettre en avant son apparence misérable et ses détresses pour justifier un ministère qui serait, du fait des souffrances, plus légitime que celui des super-apôtres. Mais il renvoie les corinthiens au Christ : « ce n’est pas nous-mêmes, mais Jésus Christ Seigneur que nous proclamons », et il décrit l’impact de sa foi dans la situation particulière et difficile qui est la sienne.
Dieu n’est pas à chercher davantage dans la détresse que dans le spectaculaire ; mais Dieu s’offre à nous, il se révèle en nous, aussi là, ou peut-être justement là où nous sommes confrontés à la souffrance ; ou pour reprendre les mots de Paul : là où nous portons dans notre corps l’agonie de Jésus, la vie de Jésus se manifeste dans notre corps, en nous transfigurant intérieurement.
Finalement, nous sommes appelés à un changement de perspective : que ce soit au niveau individuel ou communautaire, la véritable lumière ne saute pas aux yeux ; elle ne vient pas de l’extérieur ou de « l’emballage ». La véritable lumière vient de l’intérieur, comme un trésor dans un vase d’argile.
La lumière de la vie apparaît lorsque nous allons au-delà des apparences et que nous découvrons le Christ à l’intérieur de nous-mêmes et des autres. Cette lumière ne produit pas d’apparence ; elle ne transforme ni n’enjolive la réalité, elle ne fait pas disparaître la fragilité humaine. Mais cette lumière place notre existence tout entière, avec ses joies et ses souffrances, dans la perspective de la vie, envers et contre tout.
A nous de changer nos perspectives, de prendre du recul par rapport aux apparences, à celles qui se présentent à nous et à celles que nous donnons de nous-mêmes ; à nous de découvrir, dans la foi, ce trésor que nous portons en nous, dans les vases d’argile que nous sommes.
Amen
Prière d’intercession
Lecteur 1 : Unissons-nous dans l’intercession
Lecteur 2 : Seigneur, nous t’en prions, aide-nous à accueillir ta lumière. Qu’elle rayonne au milieu de nous et en nous, et que ton amour libère nos vies.
Lecteur 1 : Donne-nous de persévérer dans la foi et mets dans nos cœurs le désir de ton Royaume. Guide ton Église sur le chemin de l’Evangile afin que ton Esprit Saint la garde ouverte et accueillante, et la conduise vers l’unité.
Lecteur 2 : Nous te prions pour les responsables des peuples, afin qu’ils aient la volonté de promouvoir la justice et la liberté.
Lecteur 1 : Fortifie ceux qui traversent une épreuve et soutiens ceux qui rencontrent la mort. Affermis et renouvelle la motivation de toutes les personnes qui s’engagent au service des opprimés, des isolés, des étrangers et des indigents.
Lecteur 2 : Nous te confions nos familles, tous ceux qui nous ont demandé de prier pour eux, tous ceux qui ont besoin de notre solidarité dans la prière. Nous te les nommons dans le silence.
Silence
Lecteur 1 : Et tous ensemble, en communion avec l’Église universelle, nous faisons nôtres les mots de Jésus-Christ et te disons :
Notre Père qui es aux cieux,
que ton nom soit sanctifié,
que ton règne vienne
que ta volonté soit faite
sur la terre comme au ciel.
Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour.
Pardonne-nous nos offenses
comme nous pardonnons aussi
à ceux qui nous ont offensés,
et ne nous laisse pas entrer dans la tentation,
mais délivre-nous du mal.
Car c’est à toi qu’appartiennent :
le règne la puissance et la gloire,
Aux siècles des siècles.
Amen.