Le confinement. Attention : enfant en construction sociale !

Par Charles Robert-Charrue

Quel est l’impact du confinement sur les personnes des différentes tranches d’âge de mon entourage ? Il me semble que la tranche 5 à 8 ans est particulièrement affectée. Pourquoi ? Sait-on comment Jésus a  vécu cette période de sa vie ?

Les tous petits, en bons mammifères, ont besoin de leur maman. Durant le confinement, Maman est là. Tout va bien !

De 2 à 5 ans, l’apprentissage passe par le jeu. On joue sans trop se soucier du monde extérieur. Certes le jeune enfant grandit en passant par des étapes de crises, mais elles sont destinées aux parents. Le confinement est donc parfait pour se forger un caractère et tester ses parents !

Nous sautons volontairement la tranche 5 à 8 ans.

L’ado ou le jeune adulte doit rester avec ses parents, ça c’est galère ! Heureusement pour lui, il a déjà tout mis en place (téléphone, internet et leurs dérivés). Les temps sont durs pour les copains/copines, mais grâce à son savoir et sa connaissance du monde, l’ado est en mesure de comprendre l’enjeu sanitaire de la mesure de confinement.

Du côté de l’adulte, il y a beaucoup de cas de figure selon la situation familiale et professionnelle. Pour simplifier, disons que les personnes actives sont soit actives, soit elles s’occupent. Certaines s’occupent de leurs enfants (ce qui en fait des personnes actives !).

Les sages, qualifiés de personnes à risque, doivent prendre leur mal en patience. Les plus âgés ayant quelques souvenirs de la mobilisation ou ayant grandi dans l’après-guerre relativisent leur condition de confinés. Certes leurs petits-enfants leur manquent, mais ils comprennent que l’opération vise à ce qu’ils puissent en profiter encore à terme.

Mon impression est que le grand perdant dans cette histoire est l’enfant de 5 à 8 ans. C’est la période durant laquelle il construit son identité. Outre l’apprentissage basique de la lecture, de l’écriture ou des mathématiques, l’école lui apporte de quoi se jauger par rapport aux autres, d’avoir un « meilleur copain », d’appartenir à un groupe, de gérer des conflits, d’affronter un échec, d’avoir un avis. Il devient responsable. Pour cela, il a un besoin réel de contacts extérieurs à la famille – et là, pour le coup, avec le confinement, c’est vraiment raté ! L’enfant est privé de son accès à l’apprentissage social. Il souffre. En confinement et vacances scolaires, les crises de colère se font plus intenses et plus fréquentes. La reprise de la scolarité à la maison redonne déjà une structure et un lien avec l’extérieur qui semble lui donner une petite bouffée d’oxygène.

Les parents, ne pouvant se substituer aux copains, se sentent un peu démunis pour aider leur enfant qui a besoin de trouver sa place dans notre monde. Pour lui, les séquelles pourraient être plus importantes si la mesure de confinement devait durer.

Invité à la réflexion sur nos conditions de confinés par notre pasteure. La question de l’enfance de Jésus a nécessité quelques recherches.

Outre la nativité, la Bible ne dépeint l’enfance de Jésus qu’à l’âge de douze ans lorsque ses parents le retrouvent dans le Temple à écouter et interroger les maîtres.

Les parents de Jésus se rendaient chaque année à Jérusalem pour la fête de la Pâque. Quand Jésus eut douze ans, ils y montèrent selon la coutume de la fête. Une fois la fête terminée, ils prirent le chemin du retour, mais Jésus, leur fils, resta à Jérusalem et ses parents ne s’en aperçurent pas. Ils supposaient, en effet, qu’il se trouvait avec leurs compagnons de voyage et firent ainsi une journée de marche. Ils se mirent alors à le chercher parmi leurs parents et leurs connaissances.
Mais ils ne le trouvèrent pas. Aussi retournèrent-ils à Jérusalem pour le chercher.

Trois jours plus tard, ils le retrouvèrent dans le Temple, assis au milieu des maîtres ; il les écoutait et leur posait des questions. Tous ceux qui l’entendaient s’émerveillaient de son intelligence et de ses réponses. Ses parents furent très étonnés de le voir là, et sa mère lui dit : – Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Tu sais, ton père et moi, nous étions très inquiets et nous t’avons cherché partout.
– Pourquoi m’avez-vous cherché? leur répondit Jésus. Ne saviez-vous pas que je dois m’occuper des affaires de mon Père? Mais ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait. Il repartit donc avec eux et retourna à Nazareth. Et il leur était obéissant. Sa mère gardait précieusement dans son cœur le souvenir de tout ce qui s’était passé.

Jésus grandissait et progressait en sagesse, et il se rendait toujours plus agréable à Dieu et aux hommes.

Luc 2,41-52

D’autres recherches sur le jeune Jésus nous mènent à L’Évangile de l’enfance, de Thomas l’Israélite. Il s’agit d’un texte apocryphe (dont l’authenticité n’est pas établie) qui remonterait au 3e siècle et relate des légendes qui circulaient sur l’enfance de Jésus. Malgré son titre, nous insistons sur le fait que ce texte ne fait pas partie des évangiles canoniques. Thomas l’Israélite (appelé aussi pseudo-Thomas) décrit la vie de Jésus dès l’âge de cinq ans et termine son texte par l’épisode du Temple à ses douze ans. Ce 19e et dernier passage lie ce texte à celui de la Bible, ce qui lui confère une apparente véracité sur un « chaînon manquant » de l’enfance de Jésus. On y trouve notamment comment Jésus fait s’envoler douze oiseaux d’argiles, comment il tient tête à un maître d’école ou même qu’il tue des enfants ! En grandissant, l’enfant s’assagit et accomplit des choses meilleures.

Le texte de Thomas l’Israélite décrit un enfant capable de miracles (qui tiennent plus de tours de magie), mais aussi de cruautés extrêmes. En cela, Thomas dénature totalement le sens profond des miracles relatés par les Évangiles ; il fait de Jésus un être tout-puissant qui utilise ses pouvoirs pour son propre intérêt. L’enfant met en porte-à-faux sa famille par rapport à leur vie publique. Il se met dans des colères noires. Il défie et ridiculise ses maîtres d’école. Le texte dépeint un enfant qui se cherche, mais qui, petit à petit, se construit et trouve sa place dans la société dans laquelle il vit. S’agissant de Jésus, Thomas termine évidemment son récit par un enfant admiré et adoré de tous. Mais plus que la vie de Jésus, Thomas nous montre que les passages (obligés) violents du développement d’un enfant débouchent sur une certaine sérénité.

La Bible fait-elle l’impasse sur cette période décrite comme difficile par Thomas l’Israélite ? Le Jésus de douze ans décrit dans la Bible est-il l’issue pleine de sagesse d’une enfance révolue … et peut-être tumultueuse ?! La visite au Temple nous dévoile une enfance aboutie, avec un enfant conscient et responsable de son destin, mais surtout Jésus au commencement de son apprentissage spirituel.

La semaine passée, l’école a repris. C’est une libération pour l’enfant et son entourage familial. Le planning extrascolaire se remplit rapidement d’invitations et de visites chez les copains. L’accès à l’apprentissage social est rétabli. Malgré tout, si le confinement a des répercussions négatives évidentes, il faut avouer qu’il nous fait aussi renforcer certains aspects positifs de la vie familiale comme le partage ou le respect.

Charles Robert-Charrue, BARCassien, 15.05.2020

Nota bene : Ces considérations font état de mes observations de l’impact du confinement sur les personnes de mon entourage avec leurs propres tempéraments et personnalité. Je conçois volontiers que le stress et les répercussions du confinement puissent être différents pour d’autres.