Elim: Claude Fiaux, Pierre Reverchon, Hans Beck, Bénédicte Gritti
« Il n’y avait rien. Et ce rien était le tout. Le tout et le rien se mêlaient l’un à l’autre et se confondaient l’un avec l’autre.
Il n’y avait pas d’étoiles. Il n’y avait pas de nuages. Il n’y avait ni arbres, ni ruisseaux, ni coccinelles, ni guerriers. Il n’y avait pas de paroles. Ni de rêves. Il n’y avait pas de formes, il n’y avait pas de couleurs et il n’y avait pas de musique. Il n’y avait même pas de sphères. Ni de passé. Ni d’avenir. Et il n’y avait pas de nombres. Il n’y avait rien.
Pour donner une idée de ce rien qui était le tout, il faudrait une nuit obscure. Un silence complet. Un vide absolu. Quelque chose comme une page blanche où la page et le blanc et, bien sûr, l’œil pour les voir seraient encore de trop.
Une nuit, un silence, un vide – ne parlons même pas de la page blanche – ne peuvent donner qu’une idée très imparfaite du néant avant l’univers et avant le mur de Planck. Supprimez les êtres vivants, les choses, le Soleil et la Lune, les étoiles, jusqu’aux couleurs et aux sons, jusqu’à l’air qu’on respire, jusqu’aux ondes et aux atomes, faites le vide et le noir sans la moindre lueur et sans le moindre bruit – il restera toujours quelque chose : il restera l’espace et ce fantôme sans chair et sans os, sans la moindre présence et pourtant implacable, que nous appelons le temps.
Avant le monde et son train, il n’y avait pas d’espace et il n’y avait pas de temps. Il y avait bien quelque chose : c’était l’éternité. L’éternité se confondait avec le tout et avec le rien. »
Jean d’Ormesson, Comme un chant d’espérance
Tout et rien
Voilà maintenant un mois et demi que nous vivons confinés. A osciller entre le tout et le rien.
Le tout parce que nous conservons le souvenir de ce que notre vie est en temps ordinaire : rencontres, agitations, travail, activités en tout genre. Une vie bien remplie qui laisse parfois peu de temps à la réflexion, à l’introspection, au silence, à la solitude.
Et le rien, parce que le présent nous laisse confrontés au vide lié à l’arrêt brutal de tout ce qui remplissait nos vies. Et parfois parce que le vide imposé nous laisse entrevoir le vide intérieur, bouleversant, déstabilisant.
Le rien de ce que nos vies trépidantes nous avaient laissé croire être le tout. Avoir, posséder, faire voir, être vu, paraître, vouloir, engranger, toutes ces choses qui dans un temps de vide social et économique deviennent des futilités.
Alors quoi?
Que reste-t-il alors ? Même le temps qui a pris une toute autre dimension semble nous mettre à rude épreuve. Lorsqu’il nous est donné un peu à la manière de l’éternité, nous ne savons pas comment l’appréhender, tant il est distendu. En posséder trop devient angoissant, voire culpabilisant. Nous ne savons pas comment l’occuper, comment le rendre productif. C’est la fameuse page blanche.
Il nous faut alors nous repositionner. Tenter de percevoir ce qui, dans ce temps différent, devient essentiel. Pour certains, il va s’agir des rapports que l’on entretient avec soi-même et avec les autres. Pour d’autres, ce seront les rapports que l’on entretient avec le Tout Autre. Et pour d’autres encore, ce seront les rapports que l’on entretient avec la nature, l’environnement, la création dans son entier.
Prendre soin
Apparaît alors avec force une notion que nous portons tous en nous mais que nous mettons trop souvent en sourdine au profit des bruits de la rentabilité et du « toujours plus » : la notion du « prendre soin ».
Il devient évident dans cette situation inédite pour nous, hommes du monde moderne, qu’il nous faut repenser notre manière de prendre soin du monde qui nous entoure.
Durant ce temps de pandémie, le milieu médical est dans les premières lignes au front, mais tous nous sommes appelés à réfléchir à cette notion du prendre soin.
Beaucoup réfléchissent et pensent que le monde doit ou a pris une autre direction dans ce temps d’épreuve. Beaucoup espèrent que nous serons assez conscients, intelligents et que nous saurons laisser nos cupidités pour entamer les changements nécessaires maintenant qu’il nous est devenu évident que l’essentiel est ailleurs ou autre.
« Le monde avant la pensée est déjà quelque chose – mais vraiment pas grand-chose. Le monde ne devient ce qu’il est – c’est-à-dire tout pour nous – qu’avec l’arrivée de l’homme. Jusqu’à faire oublier Dieu par sa créature, son instrument et son héritier. Dieu a fait sortir le monde du néant pour que l’homme puisse le créer.
A la fameuse question de Leibniz […] : « Pourquoi y a-t-il quelque chose au lieu de rien ? », il y a une seule réponse possible : « Parce que Dieu a distingué le tout du rien. » Mais, à l’intérieur de cette réponse, il y a une autre réponse, incluse, subalterne et annexe : « Parce que Dieu a confié à l’homme le tout tiré du rien pour qu’il en fasse un monde où, grâce à l’espace et au temps, à la nécessité et au hasard, l’absence se change en présence et le mystère en raison. » Avec ses sens et sa pensée, l’homme crée une seconde fois le monde tiré par Dieu du néant infini et de l’éternité du rien. »
Jean d’Ormesson, Comme un chant d’espérance
Un monde nouveau
Si l’on considère cette épreuve comme une chance de créer une troisième fois ce monde tiré du néant, espérons que nous, instruments et héritiers du Très-Haut, saurons être les hommes de la situation et créer un monde nouveau.
Paroles
Refrain :
Tout ça n’a pas de sens
Si on n’a pas cette chance
De pouvoir se lever et rêver
En dehors du temps
À contresens
On a tous du réseau
Et pour longtemps
On l’a tous dans la peau
Ce monde nouveau
Ce monde n’a pas de sens, pas de sens
J’ai de la peine à l’dire
Un bain de sang, une ambulance
Pour un penalty
Certains gosses n’ont pas de crayon mais voient des mines à terre
Car l’homme place le monétaire avant l’humanitaire
On vit des trucs durs personne ne fait exception
Trop de mails de rupture dans nos boîtes de déception
Trop besoin de structure, trop besoin de culture
Besoin qu’on fluctue le présent pour le futur
On a décollé on s’est envolé
Pour atteindre les étoiles
On va oublier le passé
Et tisser la grande toile
Mais pour l’instant on attend
On a envie d’y croire
On va l’aimer ce monde nouveau
Refrain
Ce monde n’a pas de sens, pas de sens
C’est un grand bal pas de chance
J’ai pas les bons pas de danse
Donc mon cœur s’emballe
Dites-leur qu’on s’adapte car ce monde est cash
Dites-leur que c’est pas de la faute des longs métrages si on est trash
Un monde nouveau tous présents tous connectés
Qu’on prouve aux médisants qu’on peut renier tout ce qu’on était
Partir à zéro et recommencer comme on sait le faire et sans romancer
Le nouveau monde commencé
C’est magnifique il y a pas d’esclaves pas de colons
Car ici de la colombe de la paix on a vu que l’ombre
Écoute bien petit louveteau
Le monde appartient à ceux qui ont des ouvriers qui se lèvent tôt
N’oublie pas quand un jeune brûle une salle des fêtes
C’est pour tout le monde c’est une sale défaite
Soyons solidaires pas solitaires
On sera plein et on n’avancera pas tant qu’il y en aura un seul à terre
Se libérer, rassembler
On a vu tomber les murs
On va échanger nos idées
Il y a de l’espoir je te rassure
Mais pour l’instant on attend
On a envie d’y croire
On va l’aimer ce monde nouveau
Refrain